"Glaner au XXIème siècle, pourquoi, comment ?"
En lisant ce titre dans une revue, me voilà très étonnée de trouver actuellement des propos sur le glanage, car cette pratique nous ramène au début du siècle dernier. En effet, lorsque nous étions enfants, nous étions habitués à ce genre d'activité qui meublait un peu nos vacances d'été. D'ailleurs, nous en faisions un jeu : c'était à celui qui découvrirait le plus rapidement possible le champ récolté et ensuite à celui qui ramènerait le plus de "glanes" ou de "grappilles"
Dès que les gerbes de blé ou de tout autre céréale étaient enlevées, nous allions glaner dans les chaumes, ce qui consistait à ramasser les épis tombés de la faucheuse-lieuse (il n'existait pas de moissonneuse à cette époque là). Chaque vingtaine d'épis était attachée pour former une " glane ". Et nous ramenions ainsi à la maison quelques grains pour la basse-cour.
Après les vendanges, c'étaient les "grappilles" ou, en patois, "las lambruscas", ces petits raisins à l'extrémité des sarments qui mûrissaient beaucoup plus tard que, ceux, bien beaux, cueillis par les vendangeurs. Glaner de cette façon se disait, en patois, " lambruscar ". Les grains écrasés et fermentés, quelques litres de vin faiblement alcoolisés en étaient récupérés : c'était la "piquette".
Ainsi, rien ne se perdait, et sous l'Occupation pendant la dernière guerre, le glanage était très actif. Mais attention ! Le Code Pénal n'autorisait le glanage qu'après les récoltes et entre le lever et le coucher du soleil. Il fallait strictement s'en tenir à la loi car une désobéissance quelconque eût entraîné amendes et sanctions !
Revenons au titre qui m'a intriguée : pour les besoins de leurs études, les étudiants de l'Institut Régional du Travail Social (l'IRTS), ont parcouru des quartiers urbains car, maintenant, on ne trouve plus de glaneurs dans nos campagnes ! De nos jours, les glaneurs sont des citadins : malgré l'avènement de l'ère de la consommation, certains s'approprient toutes sortes de choses en surveillant les fins de marché ou en explorant les containers des grandes surfaces. Cette étude montre que les glaneurs d'aujourd'hui ramassent, récupèrent et utilisent ce dont les autres ne veulent plus, mais se différencient par ce qui motive leur geste : glaneurs par nécessité, glaneurs par choix éthique, par refus du gaspillage, et aussi glaneurs d'images, de renseignements, de témoignages… Ces étudiants ont essayé de comprendre la façon dont les glaneurs appréhendent cette pratique marginale. Certains ramassent sans gêne, conscients qu'ils exercent leurs droits. D'autres, sont plus pudiques. Mais tous participent à " un mode de consommation parallèle" et entrent dans un "espace de gratuité". Les dits étudiants se sont rendus compte de la quantité de produits restants, sans valeur marchande, mais qui, néanmoins, pourrait être consommés.
Ce phénomène urbain fut également le point de départ du film "Les glaneurs et les glaneuses" réalisé en 1999. Nous sommes très loin du célèbre tableau "Les glaneuses" peint par Jean-François Millet en 1897 ! Pourtant, le glanage serait encore d'actualité !