Samedi 5 octobre après midi, l'association Entre Nous proposait des épreuves du bon vieux Certificat d'Etudes Primaires. Une exposition de cartes murales, de manuels, de matériel d'élève et de cahiers rappelait une époque révolue et pourtant pas si lointaine.
24 candidats ont répondu à l'invitation. Toutes les générations étaient représentées : des écoliers, un peu tendres pour le niveau des exercices, des collégiens peu habitués aux tournures désuètes, des lycéens anxieux de tester leurs connaissances d'antan et des adultes, celles et ceux qui ont passé l'examen il y a bien longtemps, heureux de s'imposer ce remue-méninges inhabituel.
Les organisateurs avaient fouillé dans les annales pour exhumer un texte de Victor Hugo (bicentenaire oblige…) en guise de dictée bourrée d'accords de participes passés. Les opérations (dont la redoutable division !) avec leurs nombres décimaux ainsi que le calcul mental ont permis à chacun de vérifier ses connaissances des diverses tables, puis est apparu le problème que l'on appréhendait tant avec sa succession de partages, de conversions en hectares ou en quintaux, de fractions, de pourcentages, de nombres (dits) complexes et de règles de trois… Après la récréation d'usage, il était temps de se remémorer ses savoirs en histoire, géographie, sciences naturelles et culture générale. Le dessin, exécuté au crayon noir et à la gomme, révélait des talents inattendus. Pour finir, les plus hardis ont accepté de dire une récitation (La Fontaine s'est retrouvé à l'honneur) ou d'interpréter un bon vieux chant patriotique… Après délibération, le jury a décerné 17 diplômes qui ont ravi les récipiendaires.
Les visages réjouis des candidats comme des examinateurs témoignaient des agréables moments passés ensemble. Cela valait bien de se retrouver en soirée pour manger et se remémorer les bons et moins bons souvenirs de l'école communale.
Un peu d'histoire
Le Certificat d'Etudes Primaires, le fameux "Certif" ou "Certoch", a été créé en 1866, sous le Second Empire, grâce à l'impulsion de Victor Dupuy. Ce ministre de l'Instruction Publique entendait modifier en profondeur la loi Falloux, du nom de son prédécesseur, votée en 1850 qui donnait à l'Eglise un droit de contrôle sur les programmes et les personnels de l'enseignement. Ses réformes, réalisées dans un contexte difficile de régime impérial, visaient à élever le niveau de l'école primaire et à améliorer le sort matériel des maîtres et plus encore des maîtresses. En ce temps là, et jusqu'en 1926, existait à Villebrumier, dans les locaux occupés aujourd'hui par la famille Depeyre, une école confessionnelle, gérée par les sœurs de la Sainte Famille.
En 1820, Pierre Gerla lègue à la commune sa maison familiale pour en faire un établissement d'éducation. L'école publique y sera installée jusqu'en 1957, date à laquelle le groupe scolaire actuel est entré en fonction.
Plus tard, la Troisième République enfin bien établie, Jules Ferry est nommé à son tour ministre de l'Instruction publique en 1879. Il entend que l'école populaire soit neutre, obligatoire et gratuite Il fait donc adopter successivement la loi du 16 juin 1881 relative à la gratuité de l'enseignement primaire puis celle du 28 mars 1882 instituant l'obligation scolaire et la laïcité. Ces textes confirment l'existence du Certificat d'Etudes. Ils stipulent aussi par ailleurs quelques règles encore aujourd'hui en vigueur :
"Il ne sera plus reçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques " qui "donnent lieu à une dépense obligatoire pour les communes".
Les classes "vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre l'instruction religieuse des enfants".
"L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus". Cette disposition explique pourquoi on passait autrefois le Certificat dès 11 ou 12 ans.
En 1887, un décret énumère les matières à enseigner: "enseignement moral et civique ; lecture et écriture ; langue française ; calcul et système métrique ; histoire et géographie de la France ; leçons de chose et premières notions scientifiques ; éléments du dessin, du chant et du travail manuel, principalement dans les applications à l'agriculture et travaux d'aiguilles pour les filles ; exercices gymniques et militaires". Dans le même temps, sont créés "trois cours : cours élémentaire, cours moyen, cours supérieur".
Longtemps, le Certificat d'Etudes a été le seul diplôme exigé pour postuler à un emploi dans l'administration. Il attestait que son titulaire possédait les savoirs de base en lecture, orthographe, écriture, calcul, sciences, mais aussi que celui-ci était doté d'un solide sens moral et citoyen. L'examen se déroulait dans l'école du chef lieu de canton. Il faut dire que y être présenté par l'instituteur était en soi méritoire et que y connaître le succès était une performance. Les candidats classés les meilleurs étaient couverts de gloire qui rejaillissait sur leurs maîtres. Les lauréats recevaient un diplôme de grande taille et certains, à la fin du 19ème siècle, étaient même décorés d'insignes et breloques. Souvent, les notables locaux offraient des prix comme dictionnaires ou livrets de Caisse d'Epargne.
Les classes de Fin d'Etudes Primaires, sensées préparer au CEP, ont officiellement existé jusqu'à la fin des années "60". La décision de prolonger l'obligation scolaire jusqu'à l'âge de seize ans leur a été fatale. L'examen a encore été organisé quelques années, jusqu'en 1972 à Villebrumier. Mais déjà, pour beaucoup, les candidats fréquentaient le collège, la classe de 4ème souvent. La session réservée aux adultes a continué d'exister jusqu'en 1990.
Dans notre village, depuis 1887, se sont succédés treize instituteurs ou institutrices, qui ont la charge de préparer les jeunes adolescents, garçons ou filles, au Certificat d'Etudes:
- Antoine Bénech (1887/1898),
- Jules Quatre (1898/1906),
- Marie Gibert (1898/1909),
- Henri Luffaut (1906/1926),
- Rose Séguéla (1909/1938),
- Francis Malbreil (1926/1944),
- Rosa Rey (1938/1954),
- René Alamelle (1945/1946),
- Alban Delord (1946/1949),
- Jean-Pierre Berger (1949/1950),
- Jean Palis (1950/1951),
- Jean Macary (1951/1968),
- Georgette Brugnara (1954/1983).