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La fête votive
Les lieux ont changé
Il y a 50 ans, la place de la Mairie n'avait pas l'aspect actuel.
Entre la double allée de (jeunes) marronniers, se trouvait
une "piste" de danse en ciment qui aboutissait à
l'entrée du "baraquement", un hangar polyvalent
qui servait tout à la fois de salle des fêtes et
d'entrepôt communal. Sa façade et son immense portail
servaient de fronton pour d'acharnées parties de pelote
qui mettaient au prise les enfants. A l'intérieur, existait
une estrade qui servait de scène pour les spectacles scolaires.
Tout autour, s'étendait un vaste pré, bordé
de platanes, lieu propice aux jeux de ballon (en caoutchouc !).
Petit à petit, la physionomie des lieux changea. Au milieu
des années "50", la "piste", vélodrome
en terre battue, et le bâtiment de rangement en bois attenant
qui abritait les anciens gradins, laissèrent place au groupe
scolaire et aux logements de fonction, ainsi qu'au Centre de Secours.
De même, les jardins des gendarmes furent remplacés
par un terrain de tennis et la maisonnette du puits, construite
en briques foraines, disparut. A l'emplacement des potagers des
instituteurs, l'école prévue pour l'enseignement
agricole et ménager rural apparut au début des années
"60" pour être transformée plus tard en
salle des fêtes. On préféra ensuite gravier
et goudron à l'herbe et en 1977, le bureau de ce qui était
encore "Les PTT" ouvrit ses portes
Les forains
J'ai l'impression d'avoir toujours connu des attractions foraines.
Les immenses balançoires en ferraille ressemblaient à
des bateaux. Que de frissons quand on poussait le mouvement quasiment
à la verticale ! Un changement important eut lieu le jour
où la famille Delaune installa, sur le chemin qui mène
à l'école, une piste d'autos tamponneuses. Les dalles
étaient plutôt disjointes, mais quel plaisir de pouvoir
conduire ces voitures ! M. Steff, le forain qui tient encore aujourd'hui
le tir, faisait partie de l'équipe bientôt remplacée
par la maison Van Dekerkove, encore présente de nos jours.
Dans les années "70", comme leur séjour
coïncidait avec le déroulement du Tour de France et
que, évidemment, les téléviseurs "portables"
n'existaient pas, certains forains étaient invités
à suivre l'épreuve chez l'habitant.
La buvette était tenue, alternativement, une année
sur l'autre, par les deux cafés appartenant à Cyprien
et à Lebon (puis ce fut le tour de Balaguer, seul)..Aussi
loin que je me souvienne, ce sont des chaises et des tables semblables
à celles en place actuellement qui garnissaient l'espace.
L'éclairage, la sonorisation et la décoration
La décoration des rues du village incombait aux jeunes
: il s'agissait de tendre des guirlandes en papier d'abord, en
plastique ensuite (pour les récupérer !) entre deux
façades de maisons dans chaque rue. C'était là
un exercice assez long et acrobatique car il fallait grimper aux
échelles en bois qui étaient, elles, lourdes et
peu malléables.
Les "cantonniers", Genty (Yvan Montardy) et Laroche,
plaçaient les files bleu / blanc / rouge en creusant, chaque
année, les trous nécessaires aux endroits adéquats
de la place. L'approche de la fête donnait l'occasion de
nettoyer le village et surtout les rigoles en ouvrant les bouches
d'eau prévues à cet effet aux points culminants
des rues.
Pendant longtemps, Emile Touyaa, artisan à Nohic, s'occupait
de l'éclairage décoratif et de la sonorisation qui
ne concernaient que les abords de la piste de danse. Revêtu
de son inséparable blouse et de sa casquette (ou de son
chapeau-feutre ?), il ne cessait de passer et repasser en portant
une échelle, du début à la fin des festivités,
pour mettre une éternelle dernière main à
son travail. Ce sont les Etablissements Laniès qui prirent
ensuite le relais, utilisant d'autres méthodes de travail
et d'autres motifs pour l'illumination.
Le programme
Le programme de la fête, durant de longues années,
était immuable. D'abord, c'est un même orchestre
qui assurait tous les bals et les animations annexes. Certains
musiciens couchaient à la "Pension de Famille ",
chez Mimi Lebon. Le samedi, après midi, avait lieu la tournée
des bouquets à l'extérieur de l'agglomération
puis, à la tombée de la nuit, on commençait
par la retraite aux flambeaux. Les enfants formaient une troupe
joyeuse qui parcourait les rues précédée
des musiciens. Les habitants se plaçaient devant chez eux,
parfois assis sur leurs chaises empaillées, pour encourager
les gosses, sans se priver de leurs commentaires. Une fois fini
le tour de ville, le bal débutait, bien plus tôt
qu'aujourd'hui et se finissait de même, plus tôt
Le dimanche matin, de bonne heure, c'était "l'aubade
aux habitants", c'est à dire la poursuite, dans le
village, de la tournée. Il était proposé
à chaque famille une "fleur" en papier. Ce rituel
s'effectuait à pied, toujours en présence des musiciens
qui jouaient des airs à la demande. Les élus municipaux
avaient d'autorité droit à "La Marseillaise"
et recevaient un bouquet tricolore. De nombreuses personnes se
retrouvaient ensuite au café pour "l'apéritif
concert". Le repas de midi (largement passé !) réunissait
souvent les familles dont les membres venaient des communes alentour,
parfois à bicyclette ou à cyclomoteur. L'oie de
Guinée (ou tout autre volaille) avait parfois cuit dans
le four du boulanger. Une crème constituait le dessert.
La gnole et la prune à l'eau de vie terminaient les agapes
à une heure avancée de l'après midi. Les
discussions de caractère familial ou relatives aux exploits
de chasse ou de pêche s'amplifiaient au fur et à
mesure que le temps passait
Le soir, la place de la Mairie
était bien remplie. On s'était endimanché
pour l'occasion, et tout le monde ne trouvait pas de chaise pour
s'asseoir
Les animations du lundi étaient fournies.
Ouvriers et paysans avaient "pris leur journée".
Le matin le concours de pêche réunissait des dizaines
de participants, certains venus d'assez loin. L'inscription était
prise au café, puis les concurrents équipés
du matériel nécessaire, les contrôleurs munis
d'un carnet et d'un crayon et les curieux, précédés
des musiciens, formaient un cortège joyeux et bruyant pour
se rendre devant le lavoir. Là, avait lieu le tirage au
sort pour octroyer un "trou" à chaque pêcheur.
Le temps que chacun trouve son emplacement et que chaque contrôleur
repère sa zone et le coup de fusil donnant le signal du
début du concours retentissait. Je crois pouvoir dire (il
y a prescription de toute manière
) que l'équité
n'était pas toujours de mise et que certains contrôleurs
se montraient un peu chauvins attribuant quelques poissons imaginaires
supplémentaires aux locaux en manque de prises. Les résultats
étaient proclamés au café dont les deux salles
étaient noires de monde. Je me souviens que l'horloger
de Fronton et son épouse , malgré un certain favoritisme
pour les gens d'ici, ont occupé, des années durant,
les premières places
L'après midi était
consacré à la course cycliste. Durant de nombreuses
années, cette épreuve, était organisée
en collaboration avec le club de Nohic et ses dirigeants : Pradier,
Chauvières, Saint Marty, Martinez, etc. Le circuit de neuf
cents mètres à peine,était à parcourir
cent fois. Il empruntait la rue Haute, virait à gauche
pour contourner l'école, longeait le château, passait
dans la rue Basse et rue des Anneaux pour retrouver à la
ligne de départ (et d'arrivée) qui se situait devant
la bascule. Une sonorisation permettait à l'animateur Clavier
de distribuer de nombreuses primes aux coureurs. "Trois mille,
deux mille et mille
" répétait-il des
dizaines de fois. Ces gains provenaient de la collecte organisée
parmi le public et les commerçants ou artisans qui avaient
alors droit à la "réclame", c'est à
dire à une annonce publicitaire. La course était
vive et la distance réduite du circuit se traduisait par
des tours de retard du gros peloton sur les échappés.
C'était l'occasion de promettre des primes conséquentes
pour garder l'avance ou au contraire la réduire
Les
meilleurs coureurs régionaux ont couru ici et j'ai le souvenir
de Gratton, licencié à Monaco, qui a gagné
plusieurs fois. L'épreuve avait droit à un compte
rendu fourni dans la presse
Le feu d'artifice a parfois clôturé
les festivités. J'ai le souvenir de ceux tirés de
la "piste" même, avant la construction du groupe
scolaire.
La création du Comité des Fêtes
Une anecdote me vient à l'esprit. Deux années d'affilées,
c'est la formation d'un certain Martinez qui assurait l'animation
de la fête. Ce personnage ne jouait pas, il se contentait
de regrouper des musiciens, chaque jour différents, pour
constituer un groupe musical. Les prestations fournies et les
contacts avec ces hommes ne convenaient pas du tout aux jeunes
que nous étions. Lors d'un apéro pris au café
en présence notamment du maire David, du secrétaire
de mairie Montant, il nous est annoncé que, pour la troisième
fois, ledit Martinez se voyait confier l'animation de la fête
l'année suivante ! Cette information souleva immédiatement
un tel tollé que tout ce beau monde faillit s'étrangler
d'indignation : quoi, un si bon orchestre à un prix défiant
toute concurrence ? Ces gosses ne seraient-ils pas trop exigeants
à vouloir être consultés pour le choix de
l'orchestre ? En fait, la constitution du Comité des Fêtes,
qui ne date que de 1965, suivit de près cet incident. Les
premiers dirigeants en sont des élus : Raymond David, maire
et président, René Orlhac et Hugues Brugnara, conseillers
municipaux et respectivement secrétaire et trésorier.
Cette création, comme celle, un an plutôt, du Sporting
Club, est l'aboutissement de demandes répétées
des jeunes de l'époque qui se heurtaient aux réticences
de la Municipalité. J'ai le souvenir d'âpres discussions
au cours de réunions en mairie entre élus et jeunes
qui , au demeurant, n'étaient pas tous sur la même
longueur d'ondes mais qui souhaitaient tous, garçons et
filles nés après guerre, que leurs aspirations à
être reconnus comme des acteurs dans leur village et non
pas seulement comme des exécutants.
Depuis, les choses sont plus claires : le choix du programme est
élaboré collectivement et les comptes, gérés
par une association, sont accessibles à tous.
Guy
Voir aussi Entre Nous n° 48
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