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Fête au village (2ème partie)
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Fête au village, il y a un demi siècle...
[ 2ème partie ]
Le dimanche |
Rude journée pour les musiciens! Dès 8
heures, ils suivaient à pieds le comité
des fêtes qui distribuait les bouquets dans le village.
A chaque maison, ils jouaient un petit morceau dédicacé.
Ainsi je me souviens que ma mère, originaire du
Limousin avait droit à la bourrée et que
Marie-Louise BARTHÉLÉMY, originaire de Belgique,
écoutait religieusement "Le petit Quinquin".
Puis à 10 heures et demi, un musicien ou deux (en
général le trompettiste) participaient à
la grand messe en jouant quelques morceaux. Dès
la fin de l'office, rendez-vous au café pour l'apéritif
dansant. On ne dansait presque pas mais l'orchestre jouait
sans arrêt, couvrant difficilement le brouhaha des
consommateurs. Enfin un peu de repos pour les musiciens
qui allaient prendre leur repas à la "Pension
de famille", chez LEBON.
Le village maintenant se retrouvait désert, mais
pas silencieux car, dans chaque famille, on avait mis
"les petits plats dans les grands". De nombreuses
cuisinières avaient porté leurs volailles
à rôtir chez le boulanger et le fournil de
Charles COGOREUX embaumait le pain chaud et l'oie grillée.
Les familles se reconstituaient le temps d'une journée,
les amis des villages voisins étaient venus participer
aux agapes. La nourriture, peut-être pas très
diététique, se révélait drôlement
savoureuse et les éclats de voix s'échappant
des maisons indiquaient que certains avaient un peu abusé
du "vin bouché".
En fin d'après-midi, le bal reprenait jusqu'à
la nuit puis après un arrêt pour le repas,
continuait jusqu'au petit matin. Les danseurs, infatigables,
tournaient la valse, enchaînaient tangos et passos.
Autour le la piste, les quelques stands de forains étaient
bien fréquentés. A la loterie, les corbeilles
d'osier remplies de petits papiers enroulés et
maintenus scellés par un minuscule anneau, attendaient
les acheteurs. Impossible de savoir qui gagnerait la série
de casseroles en aluminium, un des gros lots. Le plus
souvent on repartait avec un verre ou une babiole, mais
il était toujours possible d'échanger le
cadeau non désiré pour un cadeau équivalent.
Au stand de tir, les hommes, un peu émêchés
se lançaient des défis. Il s'agissait de
casser des pipes en terre ou de faire un score maximum
sur une cible. Mais le maladroit vous expliquait d'un
air sentencieux que le patron du tir, un fameux requin,
avait tordu les canons des carabines afin que les tireurs
ne gagnent pas trop souvent. Les vainqueurs, un peu sadiques,
trouvaient, eux, que les carabines étaient parfaites.
Les défis les plus fameux attiraient, pour quelques
minutes, une foule de badauds qui commentaient les faits
et gestes des deux protagonistes. Le duel se terminait
en général sur la terrasse d'en face devant
une bonne bouteille.
Le "tape-cul" attirait plutôt les garçons
et pas uniquement les plus jeunes. C'était un manège
extrêmement dangereux : vous étiez assis
dans une petite nacelle suspendue par des chaînes
au toit du manège. Ce toit se mettait à
tourner très vite et la force centrifuge vous soulevait
jusqu'à l'horizontale. Le jeu consistait à
attraper celui ou surtout celle qui était devant
vous et d'entortiller les chaînes. Un accident dû
à une rupture d'une chaîne eut d'ailleurs
lieu une année à Villebrumier le premier
jour de la fête. Le manège fut fermé
pour la durée des festivités et, à
ma connaissance, il ne revint plus chez nous.
Le manège de chevaux de bois attirait les plus
petits. C'était un antique manège encore
bien conservé, avec ses petits cochons roses qui
montaient et descendaient et son pompon qu'il fallait
attraper pour gagner un tour gratuit. |
Une anecdote |
Je devais avoir six ou sept ans. Un invité de
mes parents, grand seigneur, me fit un cadeau royal :
il négocia avec la propriétaire du manège
un ticket valable pour toute la durée de la fête.
Il me l'offrit au repas de midi. Muni du précieux
sésame, j'attendis avec impatience le démarrage
de l'attraction. Dès le premier tour de manège
je me juchai sur un fringant destrier et ne le quittai
plus de tout l'après-midi. Ce sont mes parents
qui étaient contents! : plus la peine de me surveiller.
Ma seule frustration était que la patronne évitait
soigneusement de laisser à portée de ma
main le pompon de soie qui permettait, quand on l'attrapait,
de gagner un tour gratuit. Comme je m'en plaignais, elle
me fit comprendre qu'il ne me servirait à rien.
Elle n'avait donc rien compris.
Vers sept ou huit heures, ma mère réussit
enfin à me faire descendre de l'infernal engin
: je n'arrivais plus à marcher droit, je décrivais
de larges cercles sous les regards horrifiés des
passants qui se figuraient que j'étais ivre et
pour la plus grande honte de mes parents. Le soir venu,
je laissai le précieux ticket au fond de ma poche
: j'étais vacciné! |
Le lundi |
La grande affaire du matin, c'était
le concours de pêche. Rendez-vous pour tous, à
10 heures devant le café. Les pêcheurs
"d'occasion" femmes, enfants, néophites,
plaisantins, étaient beaucoup plus nombreux que
les vrais pêcheurs. Derrière l'orchestre
jouant des marches entraînantes, la foule des
pêcheurs se dirigeait vers le Tarn. Chacun cherchait
le poste qui lui avait été attribué
et essayait de démêler la ligne ou d'accrocher
la "rougeanne" qui allait servir d'appât.
Une "bombe", gros pétard assourdissant,
explosait sur le pont et donnait le signal de l'ouverture
des hostilités. Les "Contrôleur, un
poisson !" annonçaient les prises aussitôt
enfilées sur le fil de fer surmontant le piquet
où était inscrit le numéro du concurrent.
Cris, plaisanteries, quolibets fusaient tout au long
de la rive en attendant qu'une seconde explosion arrête
le massacre. Puis, tous ensemble, en cortège
derrière l'orchestre, ce petit monde revenait
au café où l'on pouvait évidemment
se désaltérer en attendant les résultats.
L'après-midi, des jeux étaient
organisés pour les enfants. Ils se déroulaient
au milieu de "la piste", le vélodrome
en terre battue, à l'emplacement de l'actuel
groupe scolaire. Au milieu du pré central, un
mât avait été dressé. Tout
en haut était suspendu un cercle de barrique
où étaient attachés saucissons,
bouteilles et autres lots. Pour corser la difficulté,
on avait savonné le mât. Les jeunes gaillards
s'attaquaient à son ascension sous les encouragements
bruyants de la foule des gamins. Quand un champion arrivait
à ses fins et redescendait, son lot serré
entre les dents, tout le monde l'applaudissait : le
roi n'était pas son cousin!
Pour les autres, garçons et filles, des jeux
divers se déroulaient, course en sacs, course
à cloche-pied, jeu de la pomme (une pomme flotte
dans un baquet plein d'eau; il faut l'attraper avec
les dents), course à la cuillère (il faut
courir en tenant une cuillère entre les dents,
celle-ci contenant un oeuf que l'on doit ramener intact)
.
Tous ces petits jeux étaient récompensés
par des bonbons et des sucreries, ce qui suffisait largement
à notre bonheur.
Le soir, un dernier bal, plus intime car fréquenté
presqu'exclusivement par les habitants de Villebrumier
clôturait ces trois jours de festivités,
de bombance, d'agitation, de bruit et de liesse. Le
village pouvait enfin retrouver son calme habituel.
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Bernard
P S : Lecteurs,
si vous avez des souvenirs, des anecdotes concernant les fêtes
au village dans l'ancien temps, faites-les parvenir à
Entre-Nous. Nous nous ferons un plaisir de les publier.
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