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Rites et traditions de chez nous
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Article du "Journal du Palais"
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d'Andrée
Rites et traditions de chez
nous
L'été s'est installé
et les gros travaux agricoles vont bon train.
FENAISON ET MOISSON
Aux XVII et XVIII èmes siècles (et après),
on récolte luzerne, blé, seigle, avoine, orge, paumelle,
et même la mixture, appelée aussi méteil,
qui est un mélange de blé et de seigle. On cultive
aussi fèves, vesces, lin, chanvre, arbres fruitiers (dont
le mûrier)... Le maïs apparaît dans notre région
vers 1640.
"A la Magdalena, l'avelana es plena, lo rasin variat e lo
blat rengat" (A la Sainte Madeleine (22/07), la noisette
est pleine, le raisin change de couleur et le blé est rangé)
indique un dicton.
En effet, la fenaison et la moisson sont sensées apporter
le fruit des efforts consentis. Tout le monde est mobilisé.
Les hommes, par groupes, fauchent les céréales à
la faucille et l'un d'entre eux lie les gerbes à la main.
Les femmes comme les enfants.les entassent en piles (los tabels)
Une fois transportées sur l'aire de battage (lo sol), ces
gerbes sont battues à l'aide d'un fléau (lo flagèl).
Puis le grain est ventilé et passé au crible. La
mécanisation ne s'impose guère que dans la moitié
de ce siècle-ci.
"Fa pas bon trabalhar quand la cigala canta" (Il ne
fait pas bon travailler quand la cigale chante). Pourtant, la
journée débute avec le lever du soleil et le travail
est pénible sous la canicule (lo calimas), même si
l'on s'octroie quelques pauses comme le repas pris au champ."
En canicule, beau temps, bon an" : entre le 22 juillet et
le 22 août, se lève l'étoile la plus brillante
de la constellation du Grand chien qui s'appelle Canicula ou Sirius.
D'où le nom donné aux fortes chaleurs.
Traditionnellement, chaque campagne commence par une messe et
une bénédiction et se termine par un dernier chargement
garni d' un bouquet de fleurs . Bien sûr, est organisé
un joyeux repas final au cours duquel on chante et on s'amuse.
D'ailleurs, l'été est jalonné de fêtes
votives célébrées en l'honneur des patrons
des paroisses. Dans la société de nos encêtres,
la vota (dédiée à Saint Théodard,
début mai, à Villebrumier) revêt une grande
importance . Elle procure l'occasion de réunir toute la
parenté pour partager le pot au feu à la viande
de boeuf , boire le café ou savourer l'odorant massepain
cuit dans le four du boulanger. On danse le soir sur la place
faiblement éclairée avec des falots.et le lendemain
matin on assiste à la messe dédiée aux morts.
"Quand plèu per Sent Laurenç, la pluèja
ven plan a temps" (Quand il pleut pour Saint Laurent (10/08),
la pluie arrive bien à temps).ou encore" Pluie de
la Saint Michel (29/09) ne demeure jamais au ciel).
Malheureusement, parfois, les aléas climatiques ternissent
la bonne humeur. Ainsi, la sécheresse est souvent bien
marquée dans notre région. Un chroniqueur note qu'en
1623" de la Saint Jean à la Toussaint, l'eau a été
plus rare que le vin" et en 1718 on signale que" les
hommes sont obligés de faire tourner eux mêmes les
meules de leur moulin à eau" .
LA FÊTE NATIONALE
Depuis 1879, le 14 juillet est reconnu comme Fête Nationale
et la "Marseillaise" est rétablie comme hymne
national. La République est symbolisée par le buste
de Marianne coiffée d'un bonnet phrygien qui n'apparaît
dans les mairies que vers 1877. Ce nom trouverait son origine
du temps du Directoire quand l'un de ses membres, Barras, aurait
confié à propos du prénom Marie Anne porté
par une charmente dame: " est simple et bref, il sied à
la République autant qu'il sied à vous même".
Ce surnom aurait ainsi été repris au cours des décennies
qui ont suivi par des sociétés politiques secrètes
pour s'imposer officiellement enfin.
Les premières célébrations de la Fête
Nationale sont calquées sur les rites religieux Mais l'esprit
de revanche provoqué par la défaite de 1870 développe
bientôt un état d'esprit patriotique. Marianne est
alors exposée au balcon de chaque mairie drapée
de tricolore. Les écoliers participent au défilé
et les édiles prononcent des discours pathétiques.
Un bal et même parfois un feu d'artifice cloturent cette
manifestation populaire.
Il y a quelques décennies encore, à Villebrumier
même, on organisait un repas convivial devant la mairie
et à cette occasion on pouvait manger du fromage ( du cantal,
sans doute!) avec du pain et boire du vin tiré d'un fût...
Sur la façade de leur brigade, stuée dans l'actuelle
rue Gambetta, les Gendarmes avaient dessiné à l'aide
de luminions tricolores les lettres R F.
FÊTES A REPETITION
On fête la Vierge le 15 aôut, jour de l'Assomption,
avec foi, faste et ferveur. Le lendemain, pour la Saint Roch,
on bénit les animaux sur le parvis de l'église dans
l'espoir de les protéger.
Au fil de l'an, on implore bien des saints dont certains ont une
spécialité, et il en existe toujours un qui guérit
quand on le prie. Ainsi, Saint Pierre est le patron des serruriers
et Sainte Cécile des musiciens. Sainte Marguerite facilite
les accouchements. Saint Guy combat la chorée, une maladie
nerveuse, grâce à sa fameuse danse. Saint Jean lutte
contre l'épilepsie. Saint Vincent est vénéré
par les vignerons et Sainte Barbe par les mineurs et les pompiers....
Et si malgré les prières la guérison ne survient
pas, on a alors recours à l'endevinaire, le guérisseur
qui est sensé connaître le secret des plantes mais
surtout est capable de deviner les" choses cachées".
A l'aide de formules ou de signes cabalistiques, souvent légués
de père en fils, il détecte le besoin de prières
envers un mort ou l'influence maléfique du sorcier, lo
bruèis. .Ce personnage surnommé le "jeteur
de sorts" ou le "mauvais oeil" , est présent
dans toutes les campagnes et chaque village a le sien. Il incarne
les forces du mal responsables de tous les malheurs: charrette
versée, gens égarés, personne paralysée,
lait qui tourne... Seul un prêtre exorciste est capable
de contrecarrer ses envoûtements et une formule magique
peut préserver de ses forces redoutables: "Bruèis,
que lo diable t'emporta!". Pour éloigner la malédiction
d'un nouveau couple, il convient que l'époux mette son
pied, durant la messe, sur la robe de la mariée afin d'empécher
le mauvais sort de monter. De même, le bruit et le tintamare
produit par le cortège de noce protègent des mauvais
esprits: la joie des invités d'une noce ne se traduit-elle
pas toujours aujourd'hui par des concerts de klaxons?
RITES D'AUTOMNE
En septembre et octobre se tiennent les foires. On va y vendre
le fruit des récoltes et les bêtes engraissées.
On se rend à Bessières, Fronton, Monclar, Montauban
et même Montastruc ou Lavaur. Il faut partir tôt "
plan vestit" , bien habillé. Les plus aisés
se déplacent en cariole, les autres à pied. Les
bêtes suivent tant bien que mal.
Tout est à vendre et à acheter.Sous la halle, les
marchands attendent avec leur grain en sache et les jardinières
se tiennent près de leurs corbeilles.. Sur le foirail,
les domestiques se louent pour les travaux à venir. Bovins
et ovins ont la queue redressée par une corde de paille
pour signifier qu'ils cherchent acquéreur. Les maquignons
en blouse bleue observent. Ils concluent leurs affaires avec les
éleveurs à la suite de longues discussions et une
tape dans la main:" Coquin qui s'en dédie!" .
Mais l'accord n'est vraiment scellé qu'après avoir
trinqué. Au café, l'atmosphère est bruyante
et chaude. Les hommes rentrent tard à la maison, souvent
après un passage chez le barbier, une fois n'est pas coutume.
On" fait la foire" , quoi. .
" A Nostra-Dama de setembre, lo rasim es bon a prendre"
:cette période est aussi celle des vendanges. Le ban est
annoncé par le garde-champêtre ou par le tintement
des cloches. Le raisin est mûr, alors débutent des
journées joyeuses mais harassantes. Le foulage s'effectue
au pied, mais les femmes en sont exclues car elles risqueraient
de faire tourner le vin si par cas elles avaient leur règle.
Ce travail est clos par un bon repas , la paillade. On y vénère
Saint Vincent (27/09).
C'est maintenant l'époque des labours. avec l'araire sans
roue." Per Sent Luc, semena pauruc" (Pour la Saint Luc
(18/10), sème prudemment).
" A Totsants, lo freg es pels camps" (Pour Toussaint,
le froid est par les champs) Cette date marque la reprise des
veillées. Il revient aux jeunes, garçons et filles,
de partir en quête de farine, noix, pommes, huile, chandelles,
bois, en vue de s'approvisionner pour ces soirées passées
en commun, chez les uns ou chez les autres à tour de rôle
dans la commune.Il arrive qu'une trentaine de personnes se retrouve
autour de la cheminée monumentale (lo canton) suivant une
espèce de hiérarchie: les plus âgés
sous le manteau, assis sur le banquet, les autres en fonction
de l'éclairage et de la tâche à accomplir.
Il arrive que l'on s'installe à l'étable où
la chaleur animale permet d'économiser des bûches...
On s'éclaire à la chandelle. Dans sa mèche
a été plantée une aiguille à repriser.
Quand elle tombe, la soirée est finie. On utilise parfois
une lampe à huile à trois bec, lo calel
Dans la bonne humeur, les hommes tressent ou réparent quelques
paniers, les femmes filent. D'autres fois, on trie des haricots,
on égrenne le maïs, on casse des noix en vue de faire
de l'huile, on épluche des châtaignes... Quelqu'un
lit l'almanach ou raconte une histoire...On croque pommes, noix
ou chataignes. On organise des jeux , comme colin-maillard, ou
des danses. TROIS JOURS IMPORTANTS :
les 1, 2 et 11 NOVEMBRE
Toussaint a remplacé l'ancienne fête celte des morts.
Ce jour-là, on visite les tombes. que l'on fleurit de chrysanthèmes.
Les 1er et 2 novembre, jour des Morts, il est formellement interdit
de s'amuser, de travailler, de faire la lessive (par déférence
au linceul des défunts), de remuer le terre (par déférence
au fossoyeur). de se marier... Les gars du village se relaient
pour sonner un glas ininterrompu durant la nuit: les morts sont
sensés revenir sur terre et on laisse volontiers la porte
ouverte pour les accueillir.
Le 11 novembre est dédié à Saint Martin.
Or, Martin est le nom de l'ours. Cet animal connaît un culte
divin très ancien du fait qu'il marche comme un homme,
qu'il vit à son voisinage et surtout qu'il séjourne
dans les entrailles de la Terre durant l'hiver, précisément
à compter de ce jour-là.
Ce saint est très populaire au Moyen Age car il ménage
"l'été de la Saint Martin", mais aussi
guérit quantité de maux, sauf "le mal de la
Saint Martin" qui touche ceux qui ont trop goûté
au vin nouveau Il est particulièrement riche en dictons:
"Per Sent Martin, l'ivèrn es pel camin" "Sent
Martin fa lo blat fin" "Quand Sent Martin ritz, Senta
Catarina plora" (Pour Saint Martin, (11/11) l'hiver est en
chemin, Saint Martin fait le blé fin, Quand Saint Martin
rit, Sainte Catherine pleure)
D'autre part, c'est à cette date que l' on met un terme
aux contrats de fermage. Fermiers et métayers déménagent.
Ils chargent, sur leurs charrettes, meubles, vaisselle et outils
et gagnent leurs nouveaux logis accompagnés de quelques
bêtes .
Tout le monde sait qu ' "A la Sainte Catherine, tout prend
racine". Mais, de plus, ce 25 novembre, les jeunes filles
les plus âgées confectionnent un chapeau dont elles
coiffent la statue. Cette coutume a donné naissance à
la fête des "Catherinettes" que célèbrent
parfois aujourd'hui les célibataires de vingt cinq ans.
NOVEMBRE,
MOIS DE LA CONSCRIPTION
Saint Martin est aussi le patron des armées françaises.
Et c'est en novembre que sonne l'heure d'être conscrit.
Le service militaire a été rendu obligatoire en
1889. Auparavant, le recrutement s'effectuait par tirage au sort
et .les jeunes hommes qui tiraient les plus petits numéros
étaient enrolés pour sept ans, ce qui était
considéré comme un véritable malheur familial.
Si bien que chacun se procure à l'avance une amulette susceptible
de conjurer le sort: celui-ci a ramassé à minuit
un os au cimetière; celui-là s'est muni de feuilles
de glaïeuls; cet autre a récupéré l'aiguille
qui a servi à coudre le linceul d'un mort; cet autre encore
a apporté un morceau de la délivrance maternelle
précisément conservé à cette fin...
Le jour dit, le rassemblement bruyant s'effectue sur la place
du chef-lieu de canton. Chaque conscrit se présente en
tenue de rigueur: pantalon jaune, habit bleu, chapeau haut de
forme agrémenté de rubans offerts par "la Belle"
, c'est à dire la fille de son âge à qui il
a rendu visite juste avant... Le moment fatidique est là:
une dernière prière, une main qui serre l'amulette
et l'autre qui plonge dans l'urne qui contient les petits papiers
portant chacun un numéro. Celui qui tire le 1 est surnommé
"le bidet" et il est promené sur un âne.
Celui qui pioche le plus gros est appelé" le laurier"
et, comme il est certain de ne pas partir à l'armée,
il est condamné à payer à boire. Jusqu'à
tard dans la nuit, c'est la fête avec parfois quelques débordements...
Dès le lendemain, les fils de bonnes familles désignés
pour le service national se préoccupent de trouver un remplaçant.
L'argent peut arranger bien des malchances., mais pas toujours
cependant. Parfois, curé et instituteur font cause commune
pour empêcher le départ d'un pauvre malheureux. Une
célèbre chanson ," Lo galant de la Catin"
évoque cet épisode en précisant :" Regent,
cure e lo sort foguèron los pus forts" ( Instituteur,
curé et le sort furent les plus forts)..
La réticence à quitter les siens et son pays pour
si longtemps est telle que certains appelés désertent
ou se mutilent. Pour ceux qui partent malgré tout, le décompte
des jours n'en finit pas... et on imagine combien le temps de
la quille est attendu avec impatience. Ce moment est ainsi nommé
en référence au nom du bateau qui, autrefois, ramenait
les forçats de Cayenne en France.
Le Conseil de Révision qui avait pour but de déclarer
apte ou pas au service militaire les jeunes gens de 18 ans se
déroulait encore dans la salle du Conseil municipal de
notre chef-lieu de canton au milieu des années 1960.
Ainsi s'écoulait l'année, rythmée par les
événements rituels .Autrefois, le temps qui passait
portait l'empreinte de la religion. Mais nul doute que l'Homme,
grâce à son imagination et à sa créativité,
savait faire la part du symbolique et du réel...
Enquête de Guy
(d'après "La vie
de nos Ancêtres au fil de l'an" de Jeannette Lagarde
et "Calendrier et croyances populaires", série
d'articles parue dans "Ricochet" n°15).
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