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Rites et Traditions de chez
nous
Pour nos aïeuls, l’année est rythmée
de rites, fêtes et travaux. Après ceux liés
à Noël, au jour de l’An et au Carnaval, voici
un aperçu de l’époque qui s’étend
entre Pâques et la Saint Jean.
Pâques
"Per la setmana senta, plèu o venta" (Pour la
semaine sainte, il pleut ou il vente).
Le dimanche des Rameaux est appelé "Pâques
fleuries" ou "Pâques à buis" car chaque
famille prépare (la tradition se perpétue aujourd’hui...)
branches de buis et de laurier . Pour les enfants, elles sont
enrubannées et garnies de friandises: oranges, oeufs, chocolats,
sucreries...Après leur bénédiction dans l’église,
on se rend en procession d’une croix à l’autre
situées aux carrefours des chemins. Le vent qui souffle
alors sera dominant durant l’année. Ensuite, il convient
de déposer un rameau béni sur les tombes des aïeuls,
sur les ruches, à l’étable et au-dessus de
chaque lit. On en garde un pour éloigner les orages, éteindre
les incendies ou bénir les défunts.
Dès le jeudi-saint, on marque le deuil. Les saints de
l’église sont drapés de violet. Les cloches
se taisent (elles sont parties pour Rome) et les enfants de choeur
les remplacent pour appeler les fidèles à l’office
en actionnant clochette, crécelles, cornes de terre cuite,
martelets ou sifflets...Enfin, le persil doit être semé
ce jour-là.
Le vendredi-saint se déroulent les processions sensées
reconstituer les scènes de la Passion. C’est le jour
des interdits : ne pas creuser la terre, au risque de creuser
sa propre tombe; ne pas couper les cheveux, ni conclure un marché,
ni entreprendre un voyage...;ne pas se servir d’un marteau
en égard à Jésus Christ crucifié...Par
contre, il existe de bons présages: les oeufs pondus lors
de cette journée-là préservent des chutes
lors des cueillettes, font tomber la fièvre, écartent
les maléfices du bétail. Et puis mourir à
cette date préserve de l’enfer, puisque les portes
en sont fermées pour vingt quatre heures...Quant au pain
cuit, il pourrira...à moins qu’il ne conserve un an.
Le samedi-saint, le prêtre fait la tournée des maisons.
Il bénit le seuil, l’âtre, le four et les lits.
C’est le jour du renouvellement de l’eau bénite:
celle de l’année précédente est versée
dans la basse cour, en prenant bien soin de ne pas marcher sur
la coulée; puis chaque membre de la famille se rend à
l’église pour remplir une nouvelle bouteille. Les
cloches sont de retour et laissent tomber des oeufs sur leur chemin.
Ces oeufs sont le symbole de la fécondité et incarnent
le renouveau de la nature. Ils sont récupérés
en grande quantité de maison en maison. Parfois, ils sont
teints. En les cuisants avec de la pelure d’oignon, ils deviennent
jaunes, avec de la chicorée, bruns, avec de l’anémone,
violets, avec des épluchures de radis, roses, avec des
racines d’orties, verts... Le lendemain, on les utilise à
des jeux d’adresse. On organise des parties se soule et de
crosse ou de tir à l’oiseau ainsi que des danses pastorales.
Ce jour de Pâques, pour aller à la grand’messe
du matin, le chapeau de paille est de rigueur, quel que soit le
temps. Et la fête se termine évidemment par l’énorme
omelette au lard.
Le Poison d’Avril
La coutume du "Poisson d’Avril" est liée
au commencement de l’année à la date du 1er
avril jusqu’en 1564. Ce jour-là était donc
le jour des étrennes. Par la suite, on gardera l’habitude
d’offrir des cadeaux , mais ceux-ci seront dérisoires,
cocasses, inattendus... Puis ils évolueront en farces et
attrapes, c’est à dire en "poissons " qui
ont dupé les pêcheurs revenus le plus souvent bredouilles
de l’ouverture de la pêche fixée à ce
moment-là... Le début du printemps est propice à
l’échange de correspondances illustrées entre
amoureux. Un dicton précise: "Recevoir un poisson
fleuri fait trouver tendre mari ".
Evidemment, nombreux sont les dictons relatifs au mois d’avril:
"Al mes d’abrièl, tota bèstia cambia de
pièl" (En avril, toute bête change de poil.)
"Per mes d’abrièl, quitas pas un fièl"
(En avril, ne te découvre pas d’un fil). "La
luna d’abrièl s’en va pas sans gèl"
(La lune d’avril ne se passe pas sans gel).
"Quand trona al mes d’abrièl, cal preparar barricas
e barrièls" (Quand il tonne en avril, il faut préparer
barriques et barils).
Joli mois de Mai
Au mois de mai, on rend hommage aux filles en âge de se
marier. L’une d’elles est élue Reine. Elles décorent
l’arbre, emblème du printemps, planté sur la
place du village par les garçons. Après la décision
du Pape Pie VII datée du 21 mars 1815 de faire du mois
de Mai celui de Marie, on désigne la Rosière, c’est
à dire la jeune fille sensée la plus pure du village.
Habillée de blanc, symbole de la virginité, elle
est solennellement fêtée par le Curé et le
Maire. (Cette tradition se perpétue encore à Moissac).
A cette époque de l’année, les rites amoureux
sont nombreux. Ils se concrétisent par l’organisation
de "jonchadas" de jonchées de feuillages ou de
sciure de la maison d’une fille à celle d’un
garçon et même à l’église . Chaque
plante utilisée a sa signification propre: le charme marque
le charme, le lilas ou l’aubépine signalent l’estime,
le sureau dénonce la paresse, le bouleau s’insurge
contre la malpropreté...Pour autant, ce mois des amours
n’est pas celui du mariage: "Mois des fleurs, mois des
pleurs" ou "Mariages de mai ne fleurissent jamais".
Bien sûr, on cueille le muguet mais aussi bien d’autres
plantes. La verveine soigne une infinité de maladies. L’aubépine
est ramassée à jeun pour se protéger de la
foudre. Le 1er mai, la rosée des prés est sensée
faire disparaître tâches de rousseur, boutons cutanés
et mal aux yeux: "La rosée de mai fait tout beau ou
tout laid"
Les Rogations constituent des cérémonies religieuses
spécifiquement agraires. Les trois jours précédant
l’Ascension, on organise des processions à travers
champs en vue de bénir les récoltes. On s’arrête
devant chaque croix décorée où parfois sont
déposées des volailles vivantes en guise de cadeaux
pour le prêtre. Mais quel malheur si ces Rogations coïncident
avec les Saints de Glace: Georges (le 23 avril), Marc (le 25),
Eutrope (le 29) et Croix (le 3 mai) !... sans oublier Alpinien
( le 26 avril). "Jorget, Marquet, Croset e Tropet son de
maissants garçonets" : "Georges, Marc, Croix
et Eutrope sont des méchants garçonnets". Bien
d’autres saints sont redoutés ou vénérés,
c’est selon: gare à Médard, à moins
que le bon Barnabé ne le chasse d’un coup de pied!
Quant à Eutrope, encore lui, il est capable de guérir
les estropiés en tout genre...
Messes, prières ou processions sont organisées
pour réclamer la pluie bienfaitrice. Mais d’autres
observations permettent de prévoir le temps. la Lune, bien
sûr, les nuages aussi : l’altocirrus (ou "barbe
de chat") n’annonce-t-il pas grand vent et tapage? Le
comportement des animaux ou l’ aspect de la flamme de la
lampe à huile présagent de la pluie, du vent ou
du soleil...
Pentecôte est largement fêtée au Moyen Age
par des tournois. Cette habitude se perpétue sous la forme
de compétitions sportives amicales.
Début juin, depuis des siècles, la Fête Dieu
constitue un vrai spectacle féérique: de véritables
tapis de pétales de roses sont répandus dans les
rues, les maisons sont pavoisées à l’aide de
draps tendus sur les façades et de bouquets, de petits
autels et des reposoirs sont dressés...La procession de
l’après-midi prend un caractère fastueux avec
le prêtre sous le dai , l’ostensoir doré, les
bannières et les chants
La fin du printemps est souvent incertaine d’un point de
vue climatique. Quelques dictons en attestent: "De Pascas
a Pentecosta, lo dessèrt n’es pas qu’una crosta"(
De Pâques à la Pentecôte, le dessert n’est
qu’une croûte).
"Borron de mai remplis lo chai" (Bourgeon de mai remplis
le chai). "Entre la dalha e la sega, lo païsan moris
de fam" (Entre la fauchaison et la moisson, le paysan meurt
de faim). "Quand plèu per la Trinitat, la recolta
demenis de mitat; Quand plèu per la Sent Medard, la recolta
demenis d’un quart" (Quand il pleut pour la Trinité
(3 juin), la récolte diminue de moitié; quand il
pleut pour la Saint Médard, (8 juin) elle diminue d’un
quart).
La Saint Jean
Avec le solstice d’été, les jours sont les
plus longs de l’année. Depuis les temps immémoriaux
à cette occasion, on fait la fête autour d’un
grand feu. La religion l’a fixée au 24 juin/ "A
la Saint Jean, les feux sont grands "On collecte fagots et
bûches de maison en maison: tout refus attirerait des calamités
sur la famille! A la nuit noire, le bûcher est allumé
par le prêtre, ou parfois les derniers mariés, ou
encore des enfants prénommés Jean ou Jeanne . Rondes
et concours de sauts vont bon train. On récite des prières.
La fumée est sensée protéger enfants et animaux
des maladies et paraît propice à la fécondité.
C’est le moment, pour les jeunes couples, de faire connaître
leur intention de mariage en traversant le foyer main dans la
main (Pour autant, ce n’est pas la bonne époque pour
la noce: gros travaux obligent!). On brûle plantes parasites
et animaux répugnants comme les serpents, les rats, les
crapauds. La braise, recueillie dans un sabot, est répandue
dans un champ ou un jardin pour éloigner les nuisibles.
Les cendres ont des vertus purificatrices pour les couples et
les animaux ; Un tison placé sur le rebord de la fenêtre
protège de la foudre...
En cette journée de Saint Jean, il est bon de puiser de
l’eau à trois endroits différents pour se préserver
des maladies de peau . Le matin, avant l’aube, il faut cueillir
sauge, camomille, millepertuis, fougère mâle ou encore
salsifis sauvage pour préparer des remèdes capables
de guérir bêtes et gens. Les pétales de lys
présentés à la flamme puis mis à macérer
dans l’eau de vie serviront à soigner les plaies en
prononçant cette formule: "Saint Jean le Désiré,
où es-tu donc resté? Derrière un pied de
blé fleuri et grainé ?"
Enfin, c’est à cette date que les domestiques saisonniers
sont loués pour les grands travaux de l’été:
un nouveau cycle commence...
Enquête de Guy
d’après "La vie de nos Ancêtres au fil
de l’an"de Jeannette Lagarde et "Calendrier et
croyances populaires", série d’articles parue
dans "Ricochet" n°15
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