Maladies et soins médicaux d’antan
L’article paru dans un précédent numéro, tiré des «Mémoires» de Raoul Astoul, a suscité en moi des souvenirs sur les problèmes de santé dans notre enfance et la façon quelque peu rustique d’y faire face.
Les rhumes, les grippes, les refroidissements se soignaient surtout en restant au chaud, au repos si possible, et en consommant des tisanes ou des grogs qui faisaient transpirer dans le lit. Bien sûr, on achetait un sirop que le médecin, le Docteur Gauthier à l’époque, fabriquait lui-même. Mais, les cataplasmes à la farine de lin et de moutarde placés sur la poitrine produisaient une forte chaleur qui était sensée enrayer les complications des rhumes. Les infusions se préparaient avec des plantes cueillies à la belle saison sur les talus des fossés ou dans les sous-bois mais aussi dans les jardins où un coin du potager était réservé à la culture de la sauge, de la verveine, de la camomille et de plantes aromatiques de toutes sortes. Dans la pharmacie familiale, peu de médicaments : de l’aspirine, de la teinture d’iode comme désinfectant, du coton et toujours quelques mouchoirs en coton très usés qui servaient de pansements. Mais, par contre, il y avait toutes les plantes séchées , conservées au sec et à l’abri de la poussière dans des boîtes en fer ou dans des sachets en papier. C’était là une réserve précieuse pour lutter contre les maladies, nous ne connaissions peu les mots ‘microbe’ et ‘virus’ dans notre jeune âge ! Les rhumes étaient soignés grâce aux bourgeons de ronces ou aux fleurs de mauves, et d’autres que j’ai oubliés. Lorsque le mal de gorge laissait redouter une angine, on nous faisait gargariser avec une solution de soufre en poudre dans de l’eau chaude qui provenait du raclement d’une ‘mèche à soufrer’ servant, une fois allumée, à désinfecter les fûts dans le chai. Pour soigner les otites, je me souviens d’un procédé qui consistait à verser quelques gouttes d’huile de table sur les braises et à placer un petit entonnoir au-dessus des fumées, si bien qu’en approchant du ‘goulot’ le conduit auditif, chaleur et vapeurs atteignaient le tympan, ce qui nous soulageait ! Mais le remède le plus spectaculaire pour soigner les ‘refroidissements’, c’était la pose des ventouses ; l’intérieur de ces petits récipients en verre, de la taille de pots de yaourt, était badigeonné à l’aide d’une touffe de coton enflammée placée au bout d’une tige, et, en brûlant, l’alcool à brûler qui imbibait le coton absorbait l’air ; alors, il fallait rapidement placer six ou huit ventouses sur le dos du malade, entre les épaules et la taille, de chaque côté de la colonne vertébrale ; aussitôt la peau et la chair ‘montaient’ dans les ventouses, ce qui activait la circulation du sang ; au bout d’une quinzaine de minutes, on les enlevait en prenant délicatement la peau autour du verre pour provoquer une prise d’air ; ce remède décongestionnant évitait peutêtre des complications bronchiteuses. Les pieds de sauge cultivés dans le jardin donnaient des feuilles veloutées qui, fraîches ou séchées, étaient utilisées en infusion pour soigner les problèmes de circulation sanguine ; nos parents en faisaient une cure de trois prises par mois le matin, à jeun, en tenant compte de la Lune. Dans les cas de plaies, comme les égratignures ou les coupures, on désinfectait d’abord à l’eau-de-vie ou à la teinture d’iode, et, ensuite, on plaçait sur la plaie un pétale de lys conservé dans l’eau-de-vie ; une bande découpée dans un vieux mouchoir servait de pansement ; une épingle double fixait le tout. Nous ne connaissions pas de pommade antibiotique, ni sparadrap, ni bande adhésive !.Une épine ou une écharde dans le doigt ? Si on ne réussissait pas à l’enlever à l’aide d’une aiguille à coudre flambée, on plaçait une mince couche de lard à l’endroit voulu, un bout de chiffon pour la maintenir, et quelques heures après… l’épine se retrouvait dans le lard ! Il existait quelques remèdes bien agréables : l’eau de noix servait à soulager les maux d’estomac et la fatigue ; le ‘lait de poule’, une préparation avec un jaune d’oeuf très frais, sûrement pondu du jour, délayé dans du lait chaud venant directement de la ferme, bien sucré, était utilisé comme réconfortant… Ma grand’mère, pour soulager ses rhumatismes, jetait une poignée de plantes aromatiques sur la braise de son chauffe-lit, le moine ; cette vapeur odorante emplissait le lit et, ajoutée à la chaleur, atténuait les douleurs. Quand je le pouvais, j’aimais me glisser près d’elle, sous ses draps, et bercée par les contes qu’elle ressassait, je devais m’endormir très vite ! Chaque mal, ou presque, avait son remède. Il faut dire que lorsque l’état de santé était inquiétant, on appelait le médecin, mais le moins souvent possible car la Sécurité Sociale n’existant pas, les moyens consacrés à la maladie étaient bien limités : pas de pharmacie dans nos campagnes, il fallait aller en ville pour se procurer les médicaments prescrits dans les cas graves ! Certes, la recherche continue à oeuvrer pour soulager et guérir ; mais ne remarque-t-on pas cependant un certain retour à la nature lorsque l’on parle de ‘phytothérapie ?
GEORGETTE
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