Le champ d'éternité
Dans
la Monographie de François Malbreil retraçant l'histoire locale, l'on
trouve un paragraphe sur les délibérations de ''l'assemblée de Fabrique
de l'Eglise Saint Théodard de Villebrumier'', ''Bureau des marguilliers
et fabriciens''. Page 135, il est précisé : " Il a pris de l'herbe du
cimetière le 7 juin 1789 : 28 livres ; plus le 11 juin 1789, il a pris
de François Abeilhou pour l'année 1787 : 18 livres ". Plus loin, dans
un extrait daté de 1790, concernant le budget de ''L'Oeuvre du Saint
Sacrement'' il est noté que, dans les recettes, "le trésorier Louis
Vacquié a reçu pour l'herbe du cimetière de l'année 1789 d'Arnaud
Tournou la somme de 12 livres ; vendue à Antoine Abeilhou
dit Saint Jure, 27 livres, il reste de la dite herbe, 15 livres
bon poids ; plus reçu de Pierre Robert, acheteur de la même herbe, 25
livres". Pour les non propriétaires de terres agricoles, l'herbe
était un bien précieux pour l'élevage des animaux : chèvres, vaches,
moutons. Ils n'avaient la possibilité de pacage que dans les bordures
des chemins ou les communaux. Le cimetière au Moyen Äge n'est pas
vraiment un lieu sacré. Tout d'abord, les curés, ensuite les maires,
doivent intervenir pour évincer les paysans qui viennent sans
autorisation faucher l'herbe ou pour aller à l'encontre des vaches et
des cochons qui trouvent ici leur pitance. En général, le cimetière
se trouve placé autour d'une église où nos ancêtres reposent dans ce
carré de terre bénite, simple étendue d'herbe, avec une croix de bois. L'église
de Villebrumier se trouvait, avant son transfert, dans le cimetière
actuel et le 9 Juin 172l, la dernière messe y a été célébrée. L'église
d'aujourd'hui a été érigée le 28 Septembre 1720, le clocher date du 14
Juin 1742. Les édifices mortuaires se multiplient vers la fin du
19ème et au début du 20ème siècles sous forme de stèles, chapelles,
mausolées, surtout en ville, pour les familles nobles ou bourgeoises. A
la campagne, la simplicité est de mise et reflète parfaitement la
structure sociale de la Commune. Pendant longtemps, les nobles et
les notables avaient leurs sépultures dans les églises qui se situent,
si on tient compte de la hiérarchie, soit près de l'autel, soit proche
de tel saint ou de telle chapelle. Le dallage de certaines églises est
fait de dalles funéraires. Mais une ordonnance de 1776 finit par
interdire ces inhumations, car le dépôt des corps génère des
inconvénients nombreux comme exhalaisons ou pestilences, surtout dans
les villes où la bourgeoisie était nombreuse et nantie. Seuls les
archevêques et les curés conservent ce privilège d'être enterrés dans
ces lieux religieux. Enfin chaque fois que le clergé et la population
l'acceptent, les cimetières sont transférés en dehors des
agglomérations. Pas de fantaisie dans le cimetière qui est une terre
bénite. Jusqu'aux années 20, les enfants non baptisés sont exclus, un
endroit leur est réservé. Pour palier à ce discrédit, les nouveaux-nés
en danger de mort sont ondoyés par la matrone ou la sage-femme. Autrefois,
certains adultes tels les comédiens ou les concubins suicidés étaient
privés d'enterrements religieux, à moins de prouver une aliénation
mentale. Tous les contrevenants aux commandements divins étaient
inhumés devant la porte du cimetière, afin que leur corps soit
éternellement foulé aux pieds par leurs descendants. Les protestants
se voient interdire les cimetières catholiques où une séparation est
effectuée et un carré leur est réservé. Beaucoup d'huguenots se font
enterrer dans leur propriété ou dans un cimetière situé à côté d'un
temple protestant. Dès la Troisième République, les croyants et les
athées sont inhumés dans les mêmes cimetières qui relèvent dorénavant
de l'administration communale. A longueur d'année, le personnel
communal assure l'entretien et la surveillance des concessions. Avec la
généralisation de l'utilisation du gravillon en surface et du
désherbant entre les caveaux et les pierres tombales, l'on ne trouve
plus un brin d'herbe. Depuis une dizaine d'années, dans les cimetières,
un coin est réservé au dépôt des urnes des personnes incinérées, ainsi
qu'un jardin du souvenir pour disperser les cendres. Dans notre contrée, avec la disparition progressive des animaux de la ferme, l'herbe n'est plus un problème majeur.
Yves source : J.Beaucarnot "Ainsi vivaient nos ancêtres"
Yves
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