Quand le blason de Villebrumier conduit
à l'héraldique
Le
changement de maquette lié à l'utilisation de la couleur
a conduit à réfléchir et à s'informer sur
le blason de la commune. Et cette démarche mène à
la découverte de l'héraldique…
Une anecdote
J'avais le souvenir d'avoir vu naguère dans une salle de
l'Hôtel des Intendants, siège de l'actuelle
Préfecture, à Montauban, où se réunissait
autrefois le Conseil Général, une exposition des blasons
des localités chefs-lieux de canton, parmi lesquels se trouvait
celui de Villebrumier.
Comme l'équipe du journal était amenée à
réfléchir sur le passage à la couleur, je voulus
rafraîchir ma mémoire et je me rendis à la
Préfecture pour savoir quelle démarche il fallait
entreprendre pour accéder à ce local. Surprise :
l'amabilité d'une hôtesse d'accueil et la
disponibilité d'un concierge ont fait qu'en quelques minutes,
sans aucune formalité, mon épouse et moi même avons
accédé à la pièce ! Qui plus est, le
gardien me proposa de prendre une photo du motif recherché, se
munit d'un appareil et m'invita à récupérer le
cliché le lendemain !
Ainsi, dans le bâtiment officiel de la République, le
blason de notre commune se présente de façon ovale et
symétrique.
Une pièce héraldique classique
Cet aspect n'est pas celui montré sur une planche tirée
d'un ouvrage spécialisé relatif aux pièces
héraldiques. On y trouve ledit blason de forme quasiment
rectangulaire, les angles du bas arrondis avec une petite pointe au
milieu du même côté bas. Cette composition illustre
la formule "De gueules à la croix d'argent".
Quelques précisions
Les noms "blason", "écu", "écusson" sont synonymes et
désignent une sorte de bouclier où sont
représentées les pièces symboliques
appelées "emblèmes", "armoiries" ou "armes" qui
distinguent une famille ou une collectivité.
Le nom "héraldique" signifie "science du blason et des
armoiries". Le même mot utilisé comme adjectif veut dire
"relatif au blason".
Un peu d'histoire
Le blason existerait depuis l'Antiquité. Egyptiens, Troyens,
Romains, Roi Arthur ou Chevaliers de la Table Ronde se seraient servis
de figures peintes sur les boucliers, pièces servant de
défense mais aussi d'ornement pour se distinguer dans les
armées. A partir du XIII ème siècle, la
bannière portera l'emblème identifiant un chef de groupe.
L'usage de symboles se développe au Moyen-Age et apparaît
sur les vêtements sous forme de broderies, sur les clefs de
voûte des châteaux, sur les cloches des églises, sur
les portes, sur les pavillons des bateaux, sur les manuscrits, sur les
sceaux, sur les tentures de deuil, sur les tombeaux… La
nécessité de préciser les règles touchant
à la propriété, à l'usage, à la
transmission, à la reproduction donna naissance à
l'héraldique. Des officiers spécialisés,
appelés "hérauts", étaient chargés de tenir
les registres nécessaires.
La Révolution française, ayant décidé de
supprimer les marques de noblesse et de féodalité, abolit
les armoiries dès 1790, qui furent remplacées par
d'autres emblèmes tels le bonnet phrygien, la pique ou le
faisceau. Plus tard, en 1802, Napoléon Bonaparte institua la
Légion d'Honneur. Devenu empereur, il créa une nouvelle
noblesse à qui il donna, en 1808, le statut de
sénatus-consulte. Ses membres ne pouvaient obtenir leurs
armoiries que de lui. Désormais, villes et corps
constitués pouvaient également recevoir leurs propres
blasons. Sous la Restauration, l'ancienne noblesse retrouva ses
avantages, et malgré son abolition par la Deuxième
République, l'usage des armoiries resta licite. Le Second Empire
remit en vigueur les dispositions édictées par
Napoléon 1er et créa le Conseil du Sceau afin de
régir ce problème. La Troisième République
remplaça cet organisme par un autre, mais il eut rarement
l'occasion d'exercer ses attributions.
Actuellement, en France, l'usage des armoiries est autorisé et
libre et relève du domaine privé, ce qui signifie que
toute personne peut créer ses propres armoiries en prenant soin
de ne les usurper à autrui.
Un peu de vocabulaire lié à l'écu
L'héraldique fait appel à un vocabulaire bien particulier et abondant, peu familier au langage courant.
Les formes
A l'origine bouclier du combattant, l'écu a suivi dans sa taille
et dans sa forme l'évolution de l'armement. Puis au cours des
siècles, son contour s'est fait plus ou moins
géométrique.
Les couleurs
Les boucliers anciens construits en bois étaient peints ou
recouverts de peaux de bêtes. Les fourrures (ou pannes) ont
donné naissance à un vocabulaire particulier : le "sable"
(noir uni) de la zibeline, le "vair" de l'écureuil petit-gris,
l' "hermine" (blanc éclatant) du Rat du Pont…
Ceux en métal, gardaient leur teinte naturelle avec deux
couleurs de base : l' "argent" issu du blanc et l' "or" du jaune,
auxquelles se joint le "gris" du fer. L'utilisation des émaux
fera apparaître l' "azur" venu du bleu, les "gueules" du rouge,
le "sinople" du vert, parfois le "pourpre", l' "orangé" ou la
"carnation" qui est la couleur chair.
Lorsque les couleurs ne peuvent être reproduites, elles sont
représentées par des signes conventionnels. Depuis 1636,
leur signification est précise : l' "argent" est
représenté par un "champ nu" ;
les "gueules" par des "lignes verticales" ;
l'"azur" par des "stries horizontales" ; le "sable" par des "hachures
verticales et horizontales croisées" ; le "sinople" par des
"lignes diagonales descendant de dextre à senestre ",
c'est-à-dire de gauche à droite…
Les positions
On comprend aisément que le flanc droit de l'écu, se
trouve à la gauche du spectateur et inversement. Si bien que le
côté "dextre" de l'écu se situe à gauche et
le côté "senestre" à droite du regard.
Le centre est le "cœur" ou l' "abîme" ; le haut, le "chef" ; le bas, la "pointe".
Le "parti" sépare l'écu en son milieu par une ligne
verticale, le "coupé" par une ligne horizontale. Le
"taillé" est formé par une diagonale descendant de
"l'angle sénestre du chef à l'angle dextre de la pointe"
et le "tranché" par la diagonale inverse.
"En pal" signifie vertical de haut en bas.
Des combinaisons engendrent d'autres représentations :
l'"écartelé" associe "parti" et "coupé" et donne
quatre "quartiers" ; le "gironné" en produit huit ; le
"rabattement" est le résultat de la multiplication des
partitions…
Il faudrait aussi distinguer le "fascé", le "palé", le
"barré", le "bandé", le "burelé", le
"vergeté", le "coticé"…. et les contre :
"contrebarré", "contrefascé"…
Les charges
On en distingue trois : les pièces honorables, les meubles et les figures.
Les pièces honorables de l'héraldique française
sont au nombre de trente. Elles touchent ordinairement les bords de
l'écu et couvrent environ le tiers du champ.
Par exemple, la "croix" résulte de l'emploi simultané du
"pal" (milieu vertical) et de la "fasce" (milieu horizontal). La
"bande" traverse en diagonale de l'angle dextre du chef à
l'angle senestre de la pointe ; la "barre" constitue l'autre diagonale.
L'emploi simultané de la bande et de la barre forment un
"sautoir" ou, si elles sont réduites de moitié, un
"chevron". Une pièce en forme de Y s'appelle "pairle".
Bien d'autres figures s'ajoutent : l' "écusson" est un petit
écu placé au centre ; le losange et le triangle
s'intègrent sous divers aspects donnant l' "embrasse", le
"giron" ou la "pile"… ; la "bordure" ou l' "orle"
répètent la forme de l'écu initial..
Ces pièces peuvent être modifiées suivant quatre
critères : leur position, leurs dimensions, leur nombre ou leur
tracé. Tout changement induit une nouvelle appellation : le pal
devient la " vergette ", la fasce se nomme alors la "burelle"…
Ainsi apparaît une variante à la formule "De gueules
à la Croix d'argent" qui devient "D'argent à la croix
écotée de gueules" (figure ci-dessus).
La croix apparaît sous de multiples formes. Ainsi, la Croix de
Toulouse ou de Languedoc, "D'or à la Croix de Toulouse d'azur"
(représenté par des pointillés et des lignes
horizontales) est à la fois "cléchée" (c'est
à dire terminée triangulairement en forme de clef
antique), "vidée" et "pommetée". Cet emblème a
évolué en Croix occitane devenue le symbole de la
région Midi-Pyrénées.
Les meubles sont des pièces de tailles réduites qui
dérivent de figures géométriques simples : le
cercle dit le "besant", le carré dit le "carreau", le rectangle
dit la "billette", le losange étiré dit la
"fusée"… On trouve aussi la croix ou l'étoile et
de multiples variantes. Ces représentations occupent diverses
positions. Elles doivent le nom de "meubles" à leur
mobilité. Si un seul d'entre eux est figuré, il occupe le
centre de l'écu. Sinon, un ensemble est disposé souvent
de façon symétrique (comme ci-contre).
Les figures évoquent le corps humain, la faune, la flore,
l'outillage ou les constructions… Elles sont très
nombreuses. L'homme peut apparaître sous forme de tête, de
bras, de main… Les animaux sont représentés
stylisés, comme le lion (très fréquent), le
léopard, le tigre, le loup et le gibier tels le renard, le
sanglier, l'ours, l'écureuil… On repère aussi le
cheval, le bœuf, la brebis, le bouc… mais également
les oiseaux (coq, merle, colombe, cygne, faucon, perroquet, pain,
pélican, etc), ainsi que les reptiles, les batraciens, les
animaux marins, les insectes…
Parfois, ces bêtes se métamorphosent en figures
chimériques : aigle ou serpent à deux têtes,
dragons, hydre, licorne, sphinx, centaure…
La flore héraldique comprend toutes sortes de
végétaux. On sait que la fleur de lys était
l'emblème de la monarchie française. L'écu de
France ancien en était semé à l'origine d'une
quantité sans nombre, puis il en a porté plus tard
seulement trois. Il figure sur quantité de blasons depuis le XII
ème siècle. Curieusement, cette représentation n'a
rien à voir avec la plante ; beaucoup d'hypothèses ont
été émises sur son origine : fleur d'iris ? motif
dérivant du lotus ? javelot à trois pointes, dit fer
d'angon ? évocation du trident de Neptune ?
Les arbres schématisés abondent sur les blasons. Les
fruits les plus usités sont les grenades, les oranges, les
poires, les pommes, les noix, les coings, les glands, les pommes de
pin, les noisettes… Les feuilles (de peuplier, laurier, lierre,
chêne), les céréales en forme d'épis ou de
gerbes, ainsi que le soleil, la lune et les étoiles, tout comme
le globe, les montagnes, le feu et l'eau sont depuis fort longtemps
employés comme symboles.
Les constructions prennent l'aspect de tours, donjons, créneaux,
châteaux, pont, églises… L'armement et les
équipements de chasse donnent des dessins fort variés :
ancre marine, arc, flèche, fer de dard, fer à cheval,
hallebarde, hache, massue, cor…
Les outils, du marteau à la charrue, et des objets divers tels
grelots, crosses, chapelets, sont également
représentés.
Les brisures
La brisure est une modification des armoiries qui a servi, dès
le XII ème siècle, à marquer la bâtardise et
à éviter les confusions, en particulier à la suite
des héritages.
Les écus composés
Les écus peuvent provenir de la réunion de blasons
différents, à l'exemple de celui du Tarn et Garonne. Ils
sont alors divisés en quatre, huit ou même vingt
quartiers. Ces compositions hétérogènes,
appelées "pennons", traduisent des alliances entre familles ou
des prétentions de souverains.
Les ornements extérieurs des armoiries
A l'extérieur du blason proprement dit, on peut parfois distinguer d'autres ornements.
Le timbre
On appelle "timbre" une coiffure (casque, couronne, mitre, chapeau,
heaume…) représentée au-dessus de l'écu.
Elle marque le titre du possesseur (empereur, roi, prince…) ou
prend un caractère ecclésiastique.
Les insignes de dignité
Des marques personnelles sont parfois visibles autour de l'écu
d'armes. Elles sont relatives à des ordres de chevalerie ou
à une fonction militaire ou religieuse.
Les tenants, supports et soutiens
Les figures humaines ou angéliques gravées portent le nom
de "tenants" ; celles représentant des animaux vrais ou
chimériques s'appellent "supports"; celles montrant des choses
sont des "soutiens".
Cris et devises
A l'origine, les cris de guerre servaient à galvaniser les
troupes de soldats. Ces slogans, toujours brefs, ont été
incorporés à l'héraldique et inscrits sur une
sorte de ruban appelé "listel" ou " banderolle" ou
"phylactère".
De la même façon, les devises, par exemple : "Honni soit
qui mal y pense", étaient inscrites sur le listel. Leur
invocation est bien souvent religieuse, mais leur sens peut rester
énigmatique.
Lecture du blason
La lecture du blason commence par la description des armes mêmes,
puis viennent le timbre, les lambrequins, les ordres et s'il y a lieu,
les supports, le cri et la devise :
"D'or au lac d'amour de gueules, l'écu timbré d'un casque
de marquis taré de face, assorti de ses lambrequins aux
émaux de l'écu, soutenu à dextre par un
lévrier et à senestre par un homme sauvage appuyé
sur une masse, avec le cri de guerre : Dieu aide, et la devise :J'aime
jamais".
Le blason du Tarn et Garonne existe sous deux versions. L'un des
modèles (le plus récent ?) comporte deux zones. L'autre
est dit "écartelé", c'est à dire divisé en
quatre parties. Sa lecture est la suivante :
"Premier canton dextre du chef. Rouergue. Champ de gueules au léopard lionné d'or.
Deuxième canton senestre du chef. Gascogne.
Ecartelé au premier et au quatrième champ d'azur au lion
d'argent et aux deuxième et troisième de champ de gueules
à gerbe d'or liée d'azur.
Troisième canton dextre. Languedoc. Champ de
gueules à la croix vidée, cléchée et
pommettée d'or de douze pièces.
Quatrième canton senestre. Guyenne. Champ de
gueules au léopard d'or armé et lampassé d'azur".
Le blason de Villebrumier figure parmi les plus simples qui existent.
"De gueules à la croix d'argent", signifie qu'il comporte du
rouge et une croix blanche qui sont respectivement
représentés, sans utilisations des couleurs, par des
traits verticaux et un espace nu. Selon toute vraisemblance, il ne
prend ni la forme ovale repérée dans un local de la
Préfecture, ni celle qui figurait dans l'entête de Entre
Nous. Il est sûrement plutôt rectangulaire avec les angles
du bas arrondis présentant une pointe tel qu'on peut le voir sur
les plaques portant les noms des rues de la commune.
Enquête de Guy
Notamment d'après l'ouvrage "Le Blason" de G. d'Haucourt et G.
Durivault, collection Que sais-je, Presses Universitaires de France .
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