Les métiers ambulants
d'autrefois
Après avoir évoqué les travaux des champs puis les
commerces alimentaires du village, Raoul Astoul redonne vie à
des métiers pittoresques pour la plupart aujourd'hui disparus.
Les commerçants ambulants
Autrefois, les campagnes étaient parcourues
par une foule de commerçants ambulants. Les épiciers
étaient nombreux à démarcher de ferme en ferme.
Ils se déplaçaient en tricycle, en voiture à
cheval puis en automobile et proposaient les denrées
essentielles comme le sel, le sucre, l'huile ou le café..., le
tout présenté en vrac dans des sacs ou des bidons. L'un
d'eux, avant 1930, venait de Bessières. Coiffé d'une
casquette à la chef de gare, il prévenait de son passage
à l'aide d'une corne de berger. Il vendait certains articles
meilleur marché que ses concurrents. Une grande caisse vert
bouteille où était inscrit en grosses lettres jaunes
"CAIFA" chevauchait les deux roues avant de son tricycle. De
même, des colporteurs vendaient des articles de mercerie: fils,
aiguilles, boutons... Ils se déplaçaient à pied ou
à bicyclette une mallette en osier en bandoulière qu'il
dépliait comme une boîte à outils à
plusieurs étages. D'autres apportaient tissus, linge de maison,
paniers ou chaises (qu'ils rempaillaient aussi). Ceux d'entre eux qui
venaient de loin faisaient suivre leurs familles dans des roulottes
tractées par des chevaux. Leurs enfants fréquentaient
alors l'école durant leurs séjours de quelques jours.
Deux frères étameurs
passaient une fois l'an. Ils venaient du Cantal. Pendant que l'un
faisait la tournée des fermes à vélo pour
récupérer les couverts en fer enrobés d'une mince
couche d'étain qui s'amenuisait à l'usage, l'autre
préparait l'étamage: il allumait un bon feu de bois
conforté par de la charbonnette et posait au-dessus, sur un
trépied, une bassine en cuivre dans laquelle l'étain ne
tardait pas à bouillonner. Il y trempait alors une à une
les pièces de cuisine qui retrouvaient aussitôt une
nouvelle jeunesse. Il réparait aussi les autres ustensiles,
changeant un manche, ressoudant une queue ou bouchant un trou... Durant
les récréations, les enfants émerveillés
entouraient cet atelier ambulant, frappés par les visages et les
mains brûlées des deux hommes à cause de la chaleur
et de la vapeur du métal en fusion.
Le rémouleur
était accompagné de son chien qui l'aidait à tirer
la meule à pédales montée sur de hautes roues en
bois tandis que sa compagne poussait une vieille voiturette d'enfant
contenant toute leur misère. Avant d'aiguiser couteaux et
ciseaux que sa femme était chargée de
récupérer, il trouvait à remplir sa bouteille de
vin et se mettait à la boire goulûment...
Des ramoneurs parcouraient aussi la campagne, leurs hérissons et leurs cordes sur leur dos...
Le chiffonnier
(lo pelharot) annonçait son arrivée en sonnant du
clairon. Il achetait de tout: plumes, duvet, vieux vêtements,
peaux de lapin... Sa jardinière était toujours
encombrée de ballots et de sacs. Coiffé d'un chapeau de
paille, il ne passait que s'il faisait beau. Comme il était le
seul à sillonner la campagne, il n'était pas très
généreux et il fallait marchander âprement, mais
toujours courtoisement, pour conclure un marché : deux sous la
peau de lapin ! Après 1930, il acquit une camionnette 5 CV
Peugeot et circulait capote rabattue, le chargement toujours en
pagaille. Mais l'avertisseur manuel avait remplacé le clairon.
Les rouliers
sont aujourd'hui oubliés, les chevaux-vapeur ayant
remplacé les chevaux à crinière. Pourtant, durant
des siècles, ces hommes conduisaient des attelages de deux ou
trois animaux qui tiraient de grosses charrettes chargées de
denrées. C'étaient des gars solides, capables par exemple
de décharger seuls des sacs de cent kilos de farine et de les
porter sur leurs robustes épaules jusqu'au fournil. Ils
encaissaient, en espèces, le montant de la livraison et s'en
retournaient en essayant de repousser, à l'aide du fouet et de
la barre de fer qui servait à tendre le câble du treuil,
les attaques de malfrats qui convoitaient l'argent. La côte de
Bruguières avait très mauvaise réputation, on
l'appelait "la costa de la paur" (la côte de la peur).
Le tailleur
pour hommes se rendait à domicile pour confectionner costumes et
par-dessus. Le costume, noir bien sûr, était tiré
d'un bon drap de laine et conçu un peu ample en prévision
d'un éventuel embompoint. Comme le travail durait parfois
plusieurs jours et si le déplacement était
éloigné, l'homme était nourri et logé par
le client. Ses honoraires ne pouvaient donc être très
élevés d'autant qu'existait une concurrence. De plus, on
n'usait guère qu'un (celui du mariage!), deux ou trois (si on
était riche !) vêtements de ce type dans une vie. Si bien
que l'artisan ne pouvait vivre que de ce métier-là appris
sur le tas, au contact de son père ou de son grand-père.
Il était aussi agriculteur.
D'après "Mémoires" de
Raoul Astoul
|