
|
L'abricot
de Marrakech
Qui , parmi nous,
n'a pas mangé une tarte ou un dessert à l'abricot sans en
connaître la provenance ?Qui savait que Marrakech, l'une des
grandes villes du Maroc connue pour son attrait touristique à
cause de ses beautés architecturales, tirait aussi sa richesse
de ce fruit goûteux ? Frédéric qui connaît
bien cette ville pour y avoir vécu nous fait découvrir
cette industrie saisonnière particulière.
Pour l'étranger et le touriste, Marrakech c'est un marché
animé (le souk), une vaste place où les charmeurs de
serpents côtoient les vendeurs à la sauvette, les
marchands de brochettes, d'oranges et de pâtisseries locales
gorgées de miel. C'est aussi le spectacle de la fantasia avec
les promenades en fiacre où les tibibs effrontés, une
variété de moineaux, n'hésitent pas à se
percher sur le dos des attelages de chevaux après s'être
repus de miettes de pain laissées, le matin même, sur les
tables des balcons d'hôtels où les clients prennent leur
petit-déjeuner en plein air. Cependant, vers l'ouest de la
ville, s'étend un vaste quartier industriel où les
conserveries voisinent et traitent, selon les saisons, les olives, les
câpres ou les abricots en vue de l'exportation.
C'est en mai, et parfois même pendant encore
quelques jours de juin, qu'à lieu la " campagne des abricots ".
Ce fruit doit rapidement être mis en conserve, sinon, comme le
dit un proverbe local "Si tu ne l'enterres pas, c'est lui qui
t'enterre", ce qu'il faut comprendre par "S'il n'est pas mis en
boîte dans la journée qui suit sa cueillette, à
cause de la chaleur ambiante, il se sera tellement ramolli qu'il n'y
plus qu'à le jeter aux ordures". Aussi, bien avant le lever du
jour, les files de camions chargés de caisses contenant la
cueillette de la veille après-midi, attendent de pouvoir passer
à la pesée, puis reprendre de l'emballage vide et
repartir vers les vergers. Déjà, la première
équipe chargée du calibrage des fruits est en place et
c'est la valse des caisses pour déverser les fruits dans les
goulottes des calibreurs et reconstituer des piles où petits,
moyens et gros sont stockés à part. Par ailleurs, une
partie du groupe dit "de la cuisine" a allumé les
chaudières et sera prête à intervenir d'ici deux
à trois heures.
C'est alors la ruée des trieuses, coupeuses
et emboîteuses pour rejoindre leur place devant les tapis
roulants sur lesquels les fruits vont bientôt passer en flot
ininterrompu. Les premières trient en couleur, visuellement,
séparant les fruits les plus mûrs, plus foncés, de
ceux dont la maturation est moins avancée. Elles en profitent
pour éliminer les fruits abîmés,
écrasés ou tachés.
Les fruits bien mûrs passent en
priorité sur d'autres tapis où les coupeuses assises
chacune devant une lame en inox en forme de U, d'un geste prompt,
séparent le fruit en deux moitiés, les oreillons, tandis
que le noyau tombe à terre. Sur un troisième jeu de
tapis, les emballeuses disposent à la main et en couronnes ces
demi-fruits dont les boîtes de 2,5 litres après
remplissage sont dirigées sur les chaînes de jutage puis
de sertissage et enfin de pasteurisation. Les oreillons mûrs
seront noyés dans un sirop composé d'eau et de sucre et
ce sont ces demi-fruits dont les pâtissiers plus tard se
serviront pour confectionner des tartelettes individuelles ou des
tartes sur lesquelles on les disposera après les avoir
coupés en lamelles.
Les fruits moins colorés, plus durs, moins
avancés en maturation, subissent les mêmes
opérations de coupage et d'emballage, mais seront jutés
à l'eau et baptisés " oreillons au naturel ". Mis alors
dans des boîtes de 5 litres, ces fruits plus résistants
seront utilisés par les fabricants de salade de fruits
après avoir été coupés en dés et
subi une seconde pasteurisation.
Cependant, les fruits abîmés
récupérés sur toutes les chaînes de triage,
de coupage ou d'emboitage, serviront, s'ils ne sont pas trop ramollis,
à préparer les pulpes d'abricots que les confituriers
transformeront, en les cuisant avec addition de sucre, en ces
délicieuses confitures que vous appréciez sans doute.
Plus la pulpe est oreillonnée, plus elle est recherchée.
Mais comme rien ne se perd, les fruits vraiment
blets, mous, très endommagés, serviront à
préparer une confiture destinée au marché local.
Les noyaux, étalés sur de grandes
surfaces cimentées, sèchent très vite sous le
soleil de plomb et, lorsqu'en les agitant, on pourra distinctement
entendre l'amande cogner contre la coque, il n'y aura plus qu'à
les diriger sur la station de cassage et, après tamisage,
d'envoyer le bois des coques au feu et d'ensacher les amandes
exportables vers les industries de cosmétiques.
Avec une main d'œuvre d'une soixantaine
d'hommes et de mille à mille trois cents ouvrières, on
arrive à traiter journellement de 70 à 120 tonnes
d'abricots. Le machinisme essaie bien, surtout en Espagne, de se frayer
une place dans ce domaine, mais difficilement, car rien n'a
égalé jusqu'alors le travail fait main.
Frédéric
|
|