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Travaux Agricoles

Dans un document de quelques 150 pages intitulé "Mémoires", Raoul Astoul témoigne, à partir d'exemples locaux, de l'évolution du travail lié à l'agriculture.

L'arrivée de la mécanisation
    Le marchand de machines agricole, Pierre Fournié dit "Pierre de Poulou", était installé dans un hangar encore inchangé aujourd'hui, rue des Anneaux. Au début du siècle, il travaillait quelques hectares de terre et pratiquait 'l'estiva', le pâturage d'été. Il effectuait des réparations et travaillait à la commission pour la Maison Bordères de Montauban. Il vendit à mon grand-père la première faucheuse (une "Osborne", marque venue des USA) vers 1910 ainsi qu'un râteau à cheval. Puis, jusqu'en 1940, il était vendeur exclusif de la marque "Amouroux" qui avait son usine à Toulouse. Il écoula toutes les machines, faucheuses, faneuses, râteaux puis moissonneuses-lieuses, qui furent mises en service dans la région tout en assurant les réparations et un service de pièces détachées. Il gagna beaucoup d'argent car, à l'époque, ceux qui désiraient acheter payaient comptant, en bonne monnaie sonnante et trébuchante. Mais son commerce ne sut pas prendre le virage de la moissonneuse-batteuse ce qui, ajouté à la guerre et à l'âge, l'emmena à fermer son atelier et à prendre une retraite bien méritée.
    Les "estivandiérs", c'est à dire les travailleurs saisonniers, virent arriver d'un très mauvais oeil ce nouveau matériel qui allait leur ôter le pain de la bouche: on n'avait plus besoin d'eux par exemple pour les foins ! Après 1920, arriva le "petit appareil", une sorte de plateau articulé, composé de lattes de bois et placé derrière la barre de coupe de la faucheuse. Un deuxième siège était monté au-dessus de la roue droite de la machine et celui qui y prenait place devait être robuste et habile car, muni d'un râteau à quatre dents longues de cinquante centimètres, il appuyait sur une pédale qui relevait le plateau de soixante degrés. En avançant, les épis fauchés venaient s'accumuler sur les lattes. Lorsque la couche paraissait suffisante, il lâchait la pédale et d'un rapide coup de râteau formait et posait la javelle au ras de la roue tandis qu'il écrasait aussitôt la pédale pour recueillir une autre brassée d'épis. Il n'y avait donc plus besoin de faucheurs non plus pour le blé, mais il restait à doubler les javelles pour former et lier les gerbes afin de libérer le passage pour l'attelage qui entamait le tour suivant.

Le battage moderne
    Monsieur Gaffié fut le premier entrepreneur de battage du pays. Il avait acheté son premier matériel dès 1890 pour dépiquer les graines de luzerne ou de trèfle, travail qui s'effectuait sinon au fléau. Puis il acquit une batteuse à céréales. Il entreposait le tout dans le hangar qui se trouve non loin du pont, à gauche, route de Nohic qui abrite toujours aujourd'hui ce qu'il en reste. Ces machines étaient entraînées, grâce à des courroies, par des locomobiles à vapeur de marque "Ruston"importées d'Angleterre. Pour chauffer, on utilisait des briques de charbon agglomérées et pour les déplacer deux paires de boeufs étaient nécessaires, plus une autre pour tracter le batteur.  
    L'homme s'activait autour de sa mécanique : il engouffrait régulièrement des briquettes, maintenait le niveau d'eau et la pression en manœuvrant le manomètre, surveillait la tension de la grosse courroie en maniant avec dextérité le cric... Il tournait sans cesse, attentif à tout bruit insolite, sa burette à la main, prêt à intervenir à la moindre alerte.

Scène de dépicage
    Deux aides, les empailleurs, s'occupaient d'engouffrer les gerbes dans le batteur, à tour de rôle, car ce travail était très pénible. En plus de la chaleur et de la poussière, d'une part des grains étaient projetés qui criblaient les bras et le visage, d'autre part, des chardons et parfois des ronces se glissaient parmi les épis. Sans compter les maladresses possibles, une gerbe mal posée qui affleurait le visage ou un coup de couteau mal ajusté pour couper le lien qui taillait un doigt...
    La journée de battage commençait à six heures. Les voisins et les amis arrivaient à pied ou à bicyclette, chacun muni de sa fourche et de son chapeau de paille. Un coup de sifflet actionné par M. Gaffié, et c'était parti jusqu'à huit heures pour la pause. Le petit-déjeuner copieux était servi avec saucisson, jambon, fromage, omelette, le tout arrosé d'un rouge écologique. Puis, tout au long de la journée, la batteuse ronronnait dans un nuage de poussière. Il fallait être nombreux pour la servir: passer les gerbes, couper les liens (tâche bien souvent dévolue à une dame), mettre en sac les grains qui aboutissaient dans un cuvier qui reprenait du service pour la circonstance, aller les vider dans le grenier, récupérer sous la machine "los abèts", les balles, à l'aide de grandes fourches en bois et les déverser plus loin, extraire "lo frésil", la paille hachée, qui était mélangée à la paille que de solides gaillards montaient en pailler en la faisant glisser sur une sorte de rampe qui s'élevait au fil des heures... La confection de ce pailler nécessitait la présence de six ou sept hommes qui effectuaient un travail très dur car ils étaient enfoncés dans la paille jusqu'au nombril. Ils étaient guidés depuis le sol par un ancien muni d'une longue perche. Il fallait éviter tout glissement et protéger de la pluie.
    Régulièrement, deux jeunes filles allaient de l'un à l'autre pour proposer du vin pour se désaltérer. L'une portait les verres, l'autre les bouteilles, mais presque tous les hommes, mal rasés, buvaient "à galet", (à la régalade), même s'il s'agissait de la Marie-Jeanne de deux litres et demie, puis ils s'essuyaient d'un revers de main couverte de poussière.
    Les dames avaient la responsabilité des repas, et ce n'était pas une mince affaire. Déjà, la veille, elles étaient six ou sept à s'affairer pour égorger, plumer et vider les volailles. En vue de dresser le couvert, on utilisait des tréteaux, mais parfois on plaçait les tables sur des comportes. Les sièges étaient formés avec quelques planches plus ou moins rugueuses soutenues par des chaises. Au lever du jour, on allumait un grand feu dans la cheminée et on installait l'énorme marmite pour faire le potage. On épluchait les légumes qui allaient mijoter avec quatre ou cinq poules jusqu'à onze heures. Il fallait maintenir la braise pour cuire le vermicelle (car on ne servait pas de soupe au pain) et rôtir les poulets. Le dîner était servi vers midi et demie. Aussitôt le signal d'arrêt, chacun se dirigeait vers la pompe pour se laver le visage et les mains puis s'essuyer avec le même "toalhon" (torchon) bien rugueux. On passait à table en riant et plaisantant. Le menu ne comportait guère de surprise: potage, poule au pot, poulet rôti, haricots blanc, salade, fruits, café et pousse-café à volonté. Le souper était à peu près identique, et tous les autres repas d'ailleurs durant une quinzaine de jours... Le soir, on buvait le rituel "canard", une rasée d'eau de vie avec un sucre, renouvelé parfois maintes fois. Certains ne regagnaient pas leur domicile et couchaient sur place dans la paille. Si le dépicage ne finissait pas trop tard, tout le monde allait se baigner dans le Tarn dont le niveau était bas et les eaux très claires.

D'après "Mémoires"
de Raoul Astoul
 
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