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Câpres et câpriers
Douze ans
déjà que Entre Nous vous informait comme d'une
curiosité des câpriers qui poussent dans la muraille
ensoleillée de la demeure de Monsieur et Madame Pascal. Ils sont
toujours là , vigoureux face au Tarn , comme le sont ceux qu'on
peut voir sur les remparts de l'Alhambra de Grenade.
Mr Pascal arrivera-t-il,
même s’il le souhaite, à acclimater le câprier
en essayant par bouturage de vulgariser sa culture ? Bravo s'il
réussit à dompter ce sauvage !
Dans un domaine moins romantique parlons des câpres et des câpriers...
Le câprier est un petit épineux rampant pouvant atteindre
aisément trois mètres d'envergure, aux feuilles d'un vert
grisâtre, muni de petites épines de quelques
millimètres en forme de crosse d'évêque ou d'
hameçon.
Le câprier affectionne les terrains pauvres et
on en trouve aussi bien en plaine qu'accrochés aux à-pics
rocheux.
L' Espagne, puis le Maroc ont essayé sa
culture intensive, mais jusqu'en fin des années quatre vingt
dix, c'est presque totalement à l'état sauvage qu'on le
rencontrait.
La cueillette des câpres est loin d'être
chose aisée ; en effet c'est le bouton floral qui est cueilli et
celui-ci a d'autant plus de valeur qu'il est peu
développé.
C'est pourquoi l'Italie du Sud, comme l'Espagne ne
se fournissent que très peu en auto consommation, le coût
de la main d'œuvre de ramassage obérant lourdement le prix
de revient du produit.
Cela fait l'affaire du Maroc qui se trouve ainsi
être le premier producteur mondial de câpres avec une
récolte atteignant les 60 à 80 %, selon les
années, des 5.000 tonnes commercialisées annuellement
dans le monde.
C'est surtout les bergers et les enfants en vacances
qui cueillent la majorité des câpres
récoltées au Maroc.
En effet la production débute timidement en
Juin, pour s'accentuer en Juillet, atteindre son maximum en
Août et décroître en Septembre.
On rencontre ainsi dans les régions
câprifères des cueilleurs munis d'une boîte vide
portée en bandoulière sur la poitrine, accroupis
auprès des câpriers ou grimpant à la suite de leurs
chèvres sur les falaises rocheuses du sud de Marrakech.
Ils rapportent ainsi le soir le produit de leur
cueillette à l'épicier du douar ou du village ce qui leur
permet d'approvisionner la famille en huile, sucre, thé,
épices, bougies et parfois même quelques cigarettes.
Le collecteur, en liaison avec une unité de
traitement du produit qui lui aura remis quelques fûts et du sel
ramasse ainsi la production de son secteur qu'il met dans la futaille,
bien mélangée avec beaucoup de sel pour en éviter
l'échauffement.
Dans l'usine, la câpre est succinctement
triée à la main pour écarter feuilles,
fétus de branches, et autres détritus, et mise en
fûts, autrefois en châtaigner, maintenant en plastique avec
une saumure à 20 degrés Baumé.
Un ouillage régulier ( rajout de saumure ),
compense l'intense évaporation pendant la période de
fermentation du produit.
Les câpres sont ensuite calibrées et
remises en fûts de 150 à 200 Kgs nets
égouttés,
re-saumurées, et exportées vers les conditionneurs en majorité européens.
C'est ainsi que l'Espagne surtout, aussi l'Italie et
quelques unités en France conditionnent le produit en petits
flacons ou bocaux de 30 grs ou plus livrés à la
clientèle dans un vinaigre léger qui néanmoins
modifie la saveur de la câpre.
Les Italiens du sud qui en apprécient le
goût recherchent surtout une câpre dite au sel sec qu'ils
lavent pour la dessaler avant consommation.
Plus la câpre (qui est rappelons le un bouton
floral) est petite, plus elle est appréciée et plus elle
est chère.
On ne sépare plus maintenant les ''Lilliput''
ayant moins de 3m/m de diamètre, autrefois vendues à
part, des ''Non Pareilles'' qui portent cette dénomination si
elles ne dépassent pas 7 m/m de diamètre.
Ensuite viennent les ''Surfines'' avec 8 m/m et les
''Capucines'' à 9 m/m qui sont le calibre employé pour
confectionner les filets d'anchois roulés aux câpres.
Les câpres ''Capotes'' atteignent 11 m/m ; les
'' Fines '' 12 m/m et les ''Hors calibre ''plus de 12
m/m à condition que la fleur ne soit pas ouverte.
La fleur de câprier est d'un joli violet, mais
elle s'étiole rapidement à cause de la forte chaleur qui
sévit pendant la période de cueillette et de floraison ;
elle laisse place au ''Capron'', comme cela arrive aux rosiers lorsque
la rose a perdu ses pétales.
Le capron aurait parait-il des vertus aphrodisiaques.
Il existe quelques variétés de câpres :
-la verte assez claire et molle qu'on trouve surtout dans la plaine du Gharb entre Fès - Meknès et le RIF ;
-celle de Safi d'un vert plus soutenu et surtout bien plus ferme ;
-celle de l'Atlas au sud de Marrakech, poussant en montagne, très ferme et d'un vert assez foncé;
-celle de la vallée du Draa (la vallée des roses) vers Ksar el Souk, striée de petites rainures rouges.
Mais bien souvent en usine ces
variétés sont mélangées pendant les
opérations de triage et de calibrage.
Est-ce que pendant ces quinze dernières
années, les traditions ancestrales de non culture ont
changé ; cela m'étonnerait et de toutes manières
ne modifieraient pas les procédés de cueillette.
Frédéric Pellissier
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