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La mondialisation dans notre assiette

Le Pot au Feu

Quoi de meilleur qu'un pot eu feu ? En le dégustant, encore fumant dans votre assiette, pensez à la très longue histoire des légumes qui l'accompagnent et en font toutes les subtiles saveurs…

La pomme de terre
    La pomme de terre est originaire des Andes, en Amérique du Sud. Sa domestication aurait commencé là-bas 8.000 ans avant Jésus-Christ. Les Conquistadors espagnols l'auraient "découverte" en 1737 sur les hauts plateaux colombiens. Pablo César de Léon semble être le premier a avoir pris conscience de l'intérêt de ce tubercule : "Les habitants de la région de Quito (Equateur actuel) ont, avec le maïs, une autre plante qui leur sert en grande partie à soutenir leur existence, savoir les papas (pommes de terre) à racines presque semblables à des truffes dépourvues de toute enveloppe dure. Lorsqu'elles sont cuites, elles ont la pulpe aussi tendre que la purée de châtaignes".

Son introduction en Europe
    On estime que la pomme de terre arrive en Europe par l'Espagne vers 1560. La longueur du voyage ne permettant pas sa conservation, une production relais était nécessaire aux ïles Canaries. Pizzare offrit 99 tubercules (un s'est-il perdu ?) au roi d'Espagne Philippe II, lequel à son tour en fit cadeau au Pape pour… soigner sa goutte !
    En France, la première introduction est datée de 1574 avec le navire le "Trinitad" qui accoste à Rouen.
    Le personnage clé dans la diffusion de cette plante à travers les jardins botaniques d'Europe fut le botaniste Charles de L'Ecluse, à partir de 1588. Olivier de Serres évoque, en 1600, les "cartoufles" qu'il cultive en Ardèche et prodigue des conseils culturaux. Par la "Société d'Agriculture" créée en 1761, le ministre Turgot favorise son extension. Dans "le bon jardinier" de 1785, il est noté : "Il n'y a pas de légume sur lequel on ait tant écrit et montré tant d'enthousiasme… Le pauvre devrait être fort content de cette nourriture".

Un développement laborieux
    Mais on voyait plus la pomme de terre dans les livres que dans les champs ! Au début, son refus est lié aux superstitions du Moyen-Age : le Mal (l'Enfer) est sous terre ; les maladies importantes en sont issues : la pomme de terre a donc une consonance diabolique ! Elle est sensée diffuser la lèpre, voire la peste. Du fait de son appartenance à la famille des solanacées, porteuse de toxines, elle est assimilée aux autres plantes de cette famille :  mandragore, datura, belladone, toutes herbes à sorcières. (Ne nous moquons pas trop vite de nos ancêtres : notre époque connaît aussi son lot d'inepties !).
    L'assolement triennal (céréale d'hiver, céréale de printemps, jachère), appliqué avec une discipline collective stricte, constitue un autre frein. Introduire la pomme de terre dans un cadre rigide se révèle très difficile. Il faut attendre la Révolution pour que les nouvelles techniques anglaises gagnent la France : disparition des jachères, développement de l'élevage, introduction des plantes fourragères, suppressions des carcans administratifs et juridiques ont bouleversé le paysage agricole français et laissé de la place à la pomme de terre.

Le rôle de Parmentier
    C'est dans ce contexte de la fin du 18ème siècle et sa période des Lumières qu'il faut situer l'action de Parmentier. La pomme de terre était encore pour beaucoup destinée aux pauvres. Avec l'engouement de l'élite de l'époque pour l'agriculture, de nombreux savants et politiques recherchent des solutions pour éliminer les disettes, en particulier Benjamin Franklin, Lavoisier, La Rochefoucault, Turgot, ainsi que les agronomes Fresnau et Duhamel de Monceau. Ils s'efforcent d'encourager la culture de la pomme de terre.
    Après la terrible famine de 1769-70, l'académie de Besançon propose comme sujet de concours, un problème d'actualité : "Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer, en cas de disette, ceux que l'on emploie communément à la nourriture des hommes…". Parmentier obtient le Premier Prix en proposant la pomme de terre. A la fois agronome et nutritionniste, il va, pour promouvoir cette culture, mettre en œuvre des dons remarquables de publicitaire. Pour convaincre la Cour, il offre à Louis XVI un panier des précieux tubercules que le Roi fait préparer pour la table royale tandis que la Reine Marie-Antoinette orne ses cheveux avec les fleurs : il a conquis le pouvoir politique. Pour convaincre les savants, il offre un dîner où une vingtaine de plats différents sont à base de pomme de terre. Lavoisier, Young, Franklin, Vilmorin sont présents : il a conquis le pouvoir scientifique. Enfin, pour convaincre les citadins, il fait garder le jour, mais pas la nuit, la plaine des Sablons, aux portes de Paris, où sont plantées des pommes de terre. Les tubercules sont en partie volés : c'est l'astuce qui lui fait gagner la confiance des consommateurs.
    En vérité, Parmentier n'est pas "'inventeur" de la pomme de terre comme la légende le montre en France. Mais il a compris la nécessité de faire connaître et apprécier la pomme de terre, de la production à la consommation, et de la faire prendre en considération  par les couches dominantes. Une phase de progrès survenant peu après dans l'agriculture assurera le succès de son projet. Et la pomme de terre est devenue l'aliment de base dans de nombreux pays des zones tempérées.

Les navets et raves
    Leurs lieux d'origine restent obscurs. Ils furent très tôt domestiqués en Chine. Le navet potager et le navet fourrager étaient cultivés par les Grecs puis par les Romains. A Rome, Martial le célèbre : "Les raves, amies de l'hiver et des frimas, je vous les donne. Romulus en mange à la table des dieux". A partir de la Méditerranée romaine, le navet a migré assez rapidement à travers toute l'Europe. Il est plus ou moins apprécié selon les époques. Au XIVème siècle, c'est la viande du pauvre : "A pauvre vie mengant chouls et rabes" selon Pisan. Olivier de Serre cite plusieurs navets en énumérant leurs caractères : grands, petits, blancs, gris, noirs ou jaunes, ce qui montre déjà un bel effort de sélection.
    Alexandre Dumas, aussi gourmand que prolixe, ne détaille pas moins de 93 préparations à base de navets. Il joue aussi au critique gastronomique : pour lui, les trois meilleurs navets sont ceux de Croissy, de Belle Ile en Mer et de Meaux, alors que "soit intrigue, soit adresse", ce sont ceux de Freneuse et de Vaugirard qui tiennent le marché parisien !

Les carottes
    La carotte est originaire d'Afghanistan. Elle est mentionnée dans les écrits des agronomes de l'Antiquité gréco-romaine, puis en Espagne au Xème siècle, en Italie du Nord au XIIIème puis en France où Olivier de Serre la mentionne sous le nom de "pastenade blanche". Ensuite, La Quintinie, jardinier de Louis XIV, décrit les carottes "qui sont une sorte de racine les unes blanches, les autres jaunes". Il semble qu'en ce temps-là, les français ont préféré les carottes blanches aux rouges qui "salissaient" le bouillon. Ce serait le père d'Ardenne qui, vers 1770, aurait introduit en France la carotte rouge depuis la Hollande. En 1883, le catalogue Vilmorin mentionne "la rouge longue obtuse sans cœur".
    Un long travail de sélection a permis, en partant d'une carotte sauvage, à racine mince, irrégulière et fibreuse, d'obtenir notre merveilleuse carotte très colorée, tendre et cylindrique.

Les courges et citrouilles
    Elles sont originaires du Mexique et du sud des USA. Elles sont donc arrivées en Europe après les voyages de Christophe Colomb, à la fin du XVème siècle. Ces légumes ont été acceptés très rapidement chez nous. Il existait déjà un polymorphisme important de ces introductions en Europe, qui n'a fait que s'amplifier depuis. 

Les oignons
    Les oignons sont originaires de l'Asie centrale, aux confins de l'Iran et du Turkménistan. Ils ont migré vers le sud de la Méditerranée. L'introduction en Egypte est attestée par des bas-reliefs dès 2.300 avant Jésus Christ. Les auteurs Romains le mentionnent à partir du 1er siècle. Pline décrit dix variétés selon leurs lieux d'origine, leurs couleurs et leurs goûts.
    Au Moyen-Âge, les cultures d'oignons s'étendent vers le nord, du côté de Paris et de la Normandie. Dès le début du XIXème siècle, sont mentionnées des variétés encore connues de nos jours comme le "rouge pâle de Niort", "l'oignon de Denvers", "le jaune paille des vertus"… Plus récemment , sont venus d'Italie (Barletta, Pompéî, Nocera) et d'Espagne (Babosa) de nouveaux types d'oignons encore cultivés, parfois sous des noms naturalisés : "Blanc hâtif de Paris" ou "Blanc hâtif de la Reine".
Les poireaux
    Leur origine n'est pas claire. Ils semblent s'être différenciés à partir de plantes sauvages méditerranéennes présentes de l'Iran au Portugal. Ces plantes étaient au départ bulbeuses, comme encore l'est notre poireau des vignes.

Les choux
    Les choux pommés sont, enfin, originaires de l'Europe tempérée. Il existe des types sauvages sur le littoral du Portugal au Danemark.
Selon de Condole, les choux feuillus auraient été domestiqués par les Celtes 1.100 ans avant Jésus Christ. Ils auraient très tôt servi à fabriquer une choucroute primitive de choux entiers sous le nom de " compostus " (ou compote). L'usage important du chou est attesté par les auteurs de l'Antiquité. Caton, en particulier, fait l'éloge du chou qui se mange aussi bien cuit que cru et qui constitue l'une des principales cultures du jardin (appelé hortus) que veut posséder chaque citoyen romain.
Durant le Moyen-Äge européen, le chou est la base de l'alimentation paysanne. La soupe aux choux (et aux navets) est un plat essentiel. Plus tard, Olivier de Serre insiste sur la place imminente du chou, très souvent associé au lard dans les soupes et les potées. Dans les régions au climat plus rude, où il faut conserver de la nourriture pour l'hiver, la transformation du chou en choucroute devient très tôt fort courante.
Notre Europe, à cause d'une longue ère glacière qui a détruit de nombreuses espèces, a pu, heureusement, bénéficier, à travers les guerres, des déplacements de populations, des routes commerciales, des découvertes d'autres continents, etc, de l'apport de très nombreuses et précieuses espèces exotiques qui, après un long et patient travail de sélection, sont à la base de notre alimentation.
Jean-Michel Audy
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