Une pierre tombée du ciel qui devient
Une célébrité mondiale
Cette lettre donne l'occasion à Entre Nous de rappeler
l'histoire de cette météorite déjà
évoquée dans le n° 24 de décembre 1994.
…
Par une soirée de printemps, le ciel s'embrase…
Ce samedi soir 14 mai 1864, à 8 heures du
soir, une énorme boule de feu traversa le ciel. Ce
phénomène lumineux est perçu par de nombreuses
personnes de tout l'ouest de la France, de la ville de Gisors dans
l'Eure, au village de Cierp au Sud de la Haute-Garonne, en passant par
Vannes, La Roche-sur-Yon , Astaffort dans le Lot-et- Garonne et bien
d'autres lieux encore.
Toutes les descriptions faites convergent : "Un objet très
brillant, entouré d'un nuage et suivi d'une queue" qui file
"selon une trajectoire d'ouest en est" ; "une traînée
lumineuse, d'abord blanche puis rouge" qui se termine par "un
pétillement d'étincelles formant des étoiles de
feu" ; "un bloc métallique en fusion d'un diamètre au
moins égal à la moitié de celui de la Lune" ; "une
sorte d'étoile filante" qui provoque "l'espace d'une
cinquantaine de secondes un effet de lumière prodigieux" avant
que "le ciel ne redevienne serein"…
A proximité de Villebrumier, les observations sont plus
précises encore : "La lumière fut assez intense pour
éclairer la ville de Montauban et de ses environs" ; "Cela a
jeté une lumière si vive que nous nous sommes tous vus
entourés de feu et nous avons cru à un cataclysme",
témoigne le Curé de La Magdeleine-sur-Tarn ;
"C'était une barre de feu parfaitement droite, puis comme une
bombe qui éclate et jette des étincelles ; pendant deux
ou trois minutes, mon habitation semblait au milieu d'une fournaise,
avant d'apercevoir des flocons nuageux qui tournaient les uns autour
des autres" signale la Marquise de Puylaroque qui réside
à Nohic…
Aux aspects lumineux, s'ajoutent les impressions auditives de
l'explosion : "Après la chute, pendant cinq à six
minutes, on a entendu un grand bruit pareil à de fortes
détonations d'artillerie lointaine,
répétées et prolongées" ; "On a cru
à un tremblement de terre" ; "C'était comme une diligence
au trot" précisent les mêmes personnes.
Des pierres brûlantes venues du ciel
Mais le fait le plus notable reste évidemment l'averse de
pierres brûlantes qui s'est abattue sur les communes de
Montbéqui, Dieupentale, Labastide Saint Pierre, Canals, Campsas,
Fabas, Fronton, Nohic, et, bien sûr, Orgueil. C'est sur le
territoire de cette dernière localité, en bordure de la
route de Castres, à environ un kilomètre du bourg, vers
Nohic, qu'a été recueilli le plus important morceau qui
avait creusé "un petit cratère en forme de nid d'oiseau"
et avait la grosseur d'un ballon de volley-ball. Les fragments venus du
ciel sont arrivées "obliquement, certains formant une empreinte
en forme de fer à cheval sur le sol" et "ces blocs noirs
étaient fortement imprégnés d'une odeur de
souffre, les plus gros avaient le volume d'une tête humaine, mais
la plupart ne dépassaient pas la taille du poing". Il est
probable que beaucoup d'éclats, trop petits ou
pulvérisés, n'ont pu être récoltés.
Les milieux scientifiques s'intéressèrent rapidement,
comme il se doit, à ces pierres insolites. Mais, certaines
d'entre-elles, en passant de main en main, ont perdu de leur
matière à cause de leur grande friabilité.
Les analyses scientifiques
Une vingtaine d'objets furent observés et analysés. Voici
la description qu'en donnent à l'époque deux
spécialistes, MM. Leymerie et Daubrée : "Les formes des
pierres sont extrêmement irrégulières ; les faces
sont plus ou moins déprimées comme si elles avaient
été formées par la pression du pouce sur une
matière pâteuse. La surface est une croûte mince,
comme vernissée, relativement dure. Elle s'est formée
lors d'un échauffement intense et de courte durée. Elle
s'est craquelée, fissurée sous l'effet d'importantes
contraintes. La cassure fait apparaître une matière
très noire, comme charbonneuse, dans laquelle on distingue de
petits grains jaunes où le microscope révèle la
présence de petits cristaux d'environ un vingtième de
millimètre de diamètre. Ce sont donc des pyrites
magnétiques ". (De fait, les fragments de
météorites d'Orgueil attirent fortement l'aiguille
aimantée). Par la suite, l'analyse poursuit : "Il semble
qu'avant leur chute, les fragments étaient
agglomérés les uns contre les autres en une sorte
d'essaim et se seraient séparés lors de l'explosion. La
matière est friable et se réduit en poussière au
contact de l'eau. Sa densité varie entre 2 et 2,5".
Les premières analyses chimiques ont trouvé de 13
à 17% d'eau, de 3 à 4% de composé charbonneux
(carbone, hydrogène et oxygène) et, une importante
proportion de silicium, de fer et de magnésium. Mais des
études plus approfondies menées près de cent ans
après, en 1962, par des chercheurs de Chicago, découvrent
la présence de particules riches en acides aminés ne
correspondant à aucune espèce connue sur notre
planète. D'où l'hypothèse émise par
certains spécialistes que ce serait la preuve de l'existence
d'une vie extra-terreste en un lieu où des plantes croissent et
se reproduisent ! C'est pourquoi, pour marquer le centenaire de sa
chute, le 24 mai 1964, à l'emplacement où a
été recueilli le plus gros éclat, la
Municipalité d'Orgueil, dirigée alors par M. Cogoreux,
inaugura une stèle, toujours en place, qui porte une plaque avec
l'inscription : "En ce lieu est tombé un fragment de la
météorite d'Orgueil messagère de la vie
intersidérale".
Le mythe de la vie extra-terrestre s'écroule
Mais cette thèse laisse perplexes de nombreux autres savants qui
estiment que l'échantillon examiné a été
contaminé, à preuves les taux anormalement hauts d'acides
aminés et la présence d'hydroxypoline, substance qui
entre dans la constitution de certaines colles et qui, au demeurant,
était absente dans les autres fragments étudiés.
De fait, en février 1963, le conservateur du Musée
d'Histoire Naturelle de Montauban, le professeur Albert
Cavaillé, identifie les fameuses particules sur le morceau
étudié à Chicago qui est désormais de
retour en Tarn-et-Garonne : il s'agit de graines d'une
variété de roseaux qui poussent communément dans
notre région ! La pièce avait été
souillée, volontairement ou non, peu de temps après sa
chute de 1864, par quelqu'un qui a effectué un collage de divers
fragments entre eux ! Le mythe de la présence d'une forme de vie
quelque part dans le cosmos s'effondre…
La météorite d'Orgueil est une célébrité mondiale
De nombreuses météorites, récupérées
un peu partout dans le monde, sont exposées dans des
musées célèbres. Parmi elles, figurent, en bonne
place, des éclats de celle d'Orgueil que l'on peut voir
notamment au Musée d'Histoire Naturelle de Montauban, au
Muséum de Toulouse, au Muséum de Paris et dans plusieurs
villes des Etats Unis. Et Hubert Laval nous en signale la
présence à Castel Gandolfo…
Informations tirées de l'étude réalisée par le "Club d'Astronomie de Villemur" en 1986
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