Souvenirs... suite
Les restrictions
Les années
1939/45 ont marqué notre jeunesse… Les magasins étaient à peu près vides et la
nourriture manquait. Les tissus de remplacement s'appelaient
"fibranne" ou "rayonne". Nous avions droit aux tickets
délivrés par la Mairie pour obtenir le pain, la viande, le chocolat, le beurre,
le sucre, la margarine et bien sûr la végétaline.
Avec la
ration destinée aux "J 3", nos appétits de 12, 13 ou 18 ans n'étaient
pas rassasiés ! Nos parents étaient malheureux de ne pouvoir nous donner
suffisamment à manger. Ils se privaient de pain pour nous. Le marché noir se
passait en cachette et ces pratiques ne se racontaient pas trop au voisinage.
Ils faisaient aussi de troc : ils échangeaient des haricots secs contre
quelques chemises ou bien un tablier ou encore une paire de chaussures. C'était
donnant-donnant
Le
boulanger nous livrait le pain sur présentation des tickets, mais il en
manquait. Il ne pouvait en fournir d'avantage à cause du contingent de farine
reçu. Il nous disait : "Donnez moi un peu de farine, je vous donnerai un
peu plus de pain". Ainsi, mon père décida d'essayer de lui en procurer un
peu plus car nous avions du grain en réserve. A Villebrumier, chez Joseph
Taste, il y avait un moulin électrique qui servait à moudre du grain pour les
animaux domestiques, en payant bien sûr. Comme nous étions clients, à cause des
aliments pour notre cochon, il accepta de moudre du blé. Chaque semaine, je
portais sur le guidon de mon vélo un sac d'orge destiné au bétail de la ferme
où était caché un autre petit sac rempli de blé. Notre boulanger était bien
content et nous aussi, car avoir un peu plus de pain était appréciable. On ne
le jetait pas !
Ce petit
trafic, et d'autres, était défendu, mais les Allemands qui étaient au village
ne m'ont jamais arrêtée. Ils ne sont pas restés longtemps heureusement car on
les redoutait.
Denise
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