Les mesures Anciennes
En 1780, l'écolier échappait aux problèmes de robinet, de
trains qui se croisaient, et le temps mis par un Airbus pour aller de Nohic à
Tokyo ne le préoccupait guère…Mais quand le maître dictait : " Un
agriculteur a un champ carré de 200 toises, 120 pouces, sis à Villebrumier,
qu'il souhaite échanger contre un champ sis à Moulis… ", l'élève devait
rêver de mesures enfin simples et valables partout dans le monde (sauf en
Angleterre bien sûr).
Quelles étaient ces mesures dont subsistent quelques
souvenirs un peu désuets, variables d'un canton à l'autre, donc bien peu
pratiques pour les échanges entre régions ?
Mesures linéaires
On comptait
généralement en toises qui se divisaient en 6 pieds. Chaque pied valait 12
pouces, le pouce 12 lignes et la ligne 12 points. La toise égale 1,249036 mètre
et le pied est de 0,324839 mètre. On note encore l'aune de Paris (1,1883859 m),
la canne de Toulouse (1,796091 m) celle de Villemur (1,8225918 m), celle de
Montauban (1,840757 m)…
Mesures de
superficie
On peut,
logiquement, élever la mesure linéaire au carré et l'on obtient la toise carrée
(qui s'écrivait quarrée) qui vaut 3,798 m2. De même, on dit pied quarré, pouce
quarré ou ligne quarrée…On trouve bien sûr la canne quarrée de Toulouse
(3,270988 m2), de Villemur (3,321840 m2), de Montauban (3,387 m2).
Les mesures
agraires sont différentes, sinon ce serait trop simple ! On utilise la perche
quarrée (0,09879 m2), l'arpent
(56,903352 ares), la place (2,37097 ares) ou le cazaux (14,22584 ares)…Dans le
canton de Montesquieu-Volvestre, on se sert de la stérée (56,903352 ares).
En fait,
l'arpent prend des valeurs différentes selon le lieu : celui de Villebrumier
vaut 60,590932 ares, celui de Moulis 61,305134 ares, celui de Corbarieu
55,491859 ares, celui de Reyniès 54,661391 ares… Citons par ailleurs pour
mémoire la stérée de Montauban (50,383 ares), l'eminée de Pompignan (42,077514
ares), la dinerade de Saint Nicolas (38,436867 ares) et la concade du Montet
(98,80442 ares)
Mesures de solidité
On élève
les mesures linéaires au cube et l'on obtient ainsi la toise cube (7,403887 m3)
qui valait pour tout le monde, avec le pied cube, le pouce cube, la ligne cube,
le point cube…
Mesures de capacité pour le grain
Là encore,
chaque canton avait ses mesures. Pour Toulouse, on trouve le setier (0,932609
hl), la pugnère (2,331 dl) ou le boisseau (0,7286 l)…A Villemur, le boisseau
vaut 0,7926 l, la raze 2,5363 dl et le setier 1,0145 hl…
Pour le
vin, les mesures pour la vente au détail sont la péga (3,1683 l), contenant 8
uchaux. On peut utiliser le quart (0,9301 dl), la pinte (1,4555 l), la juste
(1,5234 l), le pot (1,7443 l), le petit (3,8138 dl) et le pouchou (6,3118 dl)…
A la
Révolution, on a donc une mosaïque de mesures héritées de siècles d'usage et
spécifiques à chaque région. Certains Cahiers de Doléances demandent une
sérieuse clarification et simplification. Ce sera l'un des mérites des
gouvernements d'après 1789 de définir de nouvelles mesures basées sur le mètre.
De 1792 à 1799, les savants Machain et Delcambre ont soigneusement mesuré le
quart du méridien terrestre de Dunkerque à Monjoui (près de Barcelone) : le
mètre sera la dix-millionnième partie de la distance calculée et équivalait à 3
pieds, 0 pouce, 11 lignes et 296 millièmes de ligne. En 1799, Janneti forgea le
mètre étalon , barre de fer en X en platine irridié, bien connu de tous les
écoliers… ou potaches !
C'est à
partir de cet étalon que vont être déterminées diverses mesures du système
actuel avec, progrès évident, l'adoption du système décimal que même les
Anglais ont fini par adopter !
Pourtant,
certains ne sont pas trop enchantés de cette nouveauté fort perturbatrice à
leur goût. Nous qui avons dû nous adapter aux Nouveaux Francs et à l'Euro les
comprenons un peu ! Avant l'application des nouvelles mesures à compter du 1er
Vendémiaire An 10, le gouvernement de l'époque, bon prince (si l'on peut dire
!), accepte l'utilisation des termes anciens et donne des tables de
concordances entre anciennes et nouvelles mesures.
D'anciennes
mesures subsistent encore de nos jours, mais sans grande précision : on peut se
payer une pinte de bon sang ou se contenter d'un doigt (1 cm) de liquide. …
Et notre écolier dans tout ça ? On lui a finalement octroyé
un délai et on a décidé d'attendre 1866 et Victor Duruy pour inventer le
Certificat d'Etudes…
Pierre
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