L'industrie de la laine
Jusqu'à la révolution industrielle, l'activité textile couvre
largement tout le bassin du Tarn : Montauban et les campagnes
environnantes, le Rouergue avec des foyers comme Saint-Affrique,
Cornus, Séverac-le-Château, les vallées de l'Agout et du Thoré
ou bien le Gévaudan. Une enquête de 1708 sur la draperie présente
les productions spécialisées de chaque centre. On fabrique des
bayettes à Castres et Labruguière. Des cordelats a Mazamet, Aussillon,
Saint-Alby, Aigue-fonde, Pont-de-l'Arn, Boissezon, Cambounès,
Brassac, Dourgne, Massaguel. Des sargues à Vabre, Ferrières, Montredon
Castelnau-de-Brassac, Burlats, Anglès Espérausses, Lacaze, Gijounet,
Sauveterre, Sénégas, Labastide, Lacabarède, Saint Amans. Des draps
grossiers à Lacaune. L'enquête précise que la production de chaque
"centre" est dispersée dans de nombreux hameaux, dont l'isolement
rend la surveillance difficile. En revanche, les pièces fabriquées
sont facilement contrôlées, quand les marchands viennent les vendre
aux foires de Pézenas et Montagnac. Sous l'Ancien Régime, Montauban
fait figure de grande cité drapière. Née vraisemblablement au
XIVe siècle, la draperie a été largement développée au XVIIème
siècle grâce à l'initiative de quelques fabricants qui créent
le cadis de Montauban, une industrie drapière florissante tout
au long du siècle suivant. Les plus prestigieux des fabricants
sont alors les Vialettes d'Aignan qui ont obtenu, le 3 janvier
1746, le titre de manufacture royale pour leur établissement :
"Le Roy étant en son Conseil (...) a permis et permet auxdits
sieurs Jacques et Estienne Vialettes d'Aignan, leurs successeurs
et ayant cause, d'exposer à la tête et à la queue de chaque pièce
de cadis de leur fabrique un plomb portant d'un côté leurs noms
et de l'autre les armes du Roy, avec ces mots MANUFACTURE ROYALE
DE CADIS, comme aussi de mettre sur la principale porte de leur
manufacture un tableau aux armes du Roy et d'y établir un portier
à la livrée de Sa Majesté". En 1780, Richeprey compte à Montauban
une soixantaine de fabricants, faisant travailler 8000 personnes,
la moitié en ville, la moitié à la campagne. Les métiers du textile
sont très divers et, dans leur labeur, plusieurs opérations nécessitent
de grandes quantités d'eau. Il faut d'abord laver la laine, la
débarrasser du suint. Les tisserands sont très nombreux et une
fois leur travail achevé, il faut passer à l'atelier du foulon,
décrit ainsi par Constans-Tournier, dans un mémoire de l'an VI
: "Le foulage consiste donc, non seulement à dégraisser l'étoffe,
mais encore à lui donner la force et la consistance qu'elle doit
avoir; le foulage produit cet effet en débarrassant l'étoffe,
au moyen du savon et de la terre glaise, des parties huileuses
et graisseuses qu'on y a introduites pour en faciliter les diverses
manipulations. La laine, reprenant son essor, fait gonfler les
fils du tissu, et les maillets du foulon, frappant continuellement
sur l'étoffe tant que dure l'opération, font pénétrer le savon
dans l'intérieur et font en quelque sorte feutrer la laine qui
rentre pour ainsi dire en elle-même : aussi l'étoffe perd environ
le sixième de sa longueur et le tiers de sa largeur dans cette
opération importante. (...) Le foulage s'opère en deux fois dans
les fabriques de Montauban. ". La pièce d'étoffe jetée par le
foulonneur dans une auge circulaire remplie d'un mélange d'eau
et d'argile fine, est brassée en tous sens et frappée par des
maillets. Apprêtée de la sorte, elle peut être amenée dans l'atelier
du teinturier, avant d'être vendue. Plusieurs sortes de draps
sont alors fabriquées : - les "rosets" de Montauban sont utilisés
dans la confection des cottes hardies (cotardias), vêtements de
dessus sans manche. - les "burels" de couleur grise étaient obtenues
par le mélange de laines très solides. - la "serge" est aussi
tissée à Montauban. Les marchands vendent leurs draps lors du
marché hebdomadaire, ou bien à l'occasion des deux foires annuelles,
l'une pour la Saint Joseph, le 19 mars, et l'autre pour la Saint
Géraud, le 13 octobre. La plupart des exportations de draps vers
les Antilles françaises ou vers le Canada empruntent la voie d'eau
jusqu'à Bordeaux. Ce commerce décroît, lors de la perte du Canada,
en 1763 ; il disparaît complètement avec la Révolution.
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