Les flux d'échanges progressent du Moyen
Age au XVIIIème siècle
C'est au cours de la guerre de Cent Ans que s'est accru le commerce
avec l'Angleterre. Le Tarn et ses affluents connaissent alors
une prospérité qui fléchit lorsque la "Haute Guyenne", le Montalbanais,
l'Albigeois, le Rouergue choisissent, après 1370, la cause du
roi de France contre celle du roi d'Angleterre. Plus tard Bordeaux
redevient le principal port de marchandises de la vallée de Garonne
et de ses affluents. Montauban connaît son âge d'or entre les
années 1720 et le début des années 1780. Quelques chiffres du
trafic commercial permettent de montrer l'intensité des échanges,
surtout au XVIIIème siècle. A la fin du règne de Louis XV et au
début de celui de Louis XVI, entre 1773-1774 et 1781, de 1500
à 2000 tonneaux, soit de 15.000 à 20.000 hl de vin de Gaillac
circulent sur le Tarn et atteignent Bordeaux par la Garonne. Toutefois
ces flux de vins ne dépassent pas celui des bonnes années du Moyen
Age, et ils restent très inférieurs à ce que les vignobles de
la vallée du Lot envoient à Bordeaux. Les gabarres du Tarn sont
aussi utilisées pour acheminer le minot, cette farine de première
qualité que l'on transporte dans des tonneaux en bois jusqu'à
Bordeaux et jusqu'aux Amériques. Favorisé par une production excédentaire
de blé de qualité, cultivé sur les coteaux surplombant le Tarn
et l'Aveyron, le commerce du minot connaît un grand succès en
Quercy et en Albigeois : Montauban et Moissac resplendissent en
profitant de la réussite de leurs négociants. Alors que les anciens
moulins connaissent un grand essor, les constructions de moulins
neufs et modernes se multiplient : Loubejac et Bellerive sur l'Aveyron,
Sainte-Livrade et Palisse sur le Tarn, une bâtisse imposante qui
rivalise par sa taille avec le moulin de Moissac. Sans doute cette
formidable croissance d'une industrie exportatrice doit-elle être
associée à l'aubaine qu'ont les Quercinois de pouvoir vendre à
l'extérieur leur blé sans souffrir de pénurie de pain. Cette chance
est offerte par le maïs, une plante venue d'Amérique, appelée
"blé d'Inde" ou "gros millet", et qui devient, à côté du pain,
un aliment de base des populations paysannes. La farine de maïs
délayée avec de l'eau ou du lait, donne, une fois passée au four,
le millas encore consommé aujourd'hui dans notre pays. Un témoin
constate, après la perte du Canada, en 1763, comment les négociants
ont bénéficié de nouveaux débouchés et entrepris de nouveaux trafics
: " La situation de la ville de Montauban qui peut avoir des relations
journalières au port de Bordeaux, et les avantages du sol dans
toutes les parties du Quercy relativement à l'espèce de grains
qu'elle pouvait recueillir, offrit à l'industrie des négociants
de Montauban la ressource d'établir des fabriques de minot, propres
pour le transport et l'approvisionnement des colonies françaises
et celui des établissements de la nation dans l'Inde. Ces fabriques
ont si bien réussi, que la supériorité de leurs farine est reconnue
dans toutes les parties du mondes" Plus de 800.000 barils de farine
en 1786, soit à peu près 152.000 tonnes ont ainsi été acheminé
par trafics directs ou induits, vers le port de Bordeaux. A coup
de 100 à 200 barils par cargaison, soit 20 à 40 tonnes, il fallait
un nombre impressionnant de gabarres pour véhiculer de telles
quantités de marchandises. Les bois destinés à confectionner les
barils qui servent d'emballages, proviennent des forêts proches,
de la Grésigne en particulier. L'Aveyron, le Tarn véhiculent évidemment
les cargaisons de merrain de châtaigner et de chêne, fournissant
le bois nécessaire pour faire les douves des fûts, auxquels les
tonneliers installés au bord de la rivière réussissent à donner
forme. D'autres marchandises chargent les bateaux de la descente
comme l'anis vert de Gaillac, les peausseries et toiles de Castres,
les prunes séchées récoltées dans les vergers des bords de l'Aveyron
et de la basse vallée du Tarn, le "charbon de pierre" de Carmaux
embarqué à Gaillac. Viennent de Bordeaux, à la remonte, des marchandises
moins lourdes, des produits coloniaux, des apprêts pour les peaux,
des poissons salés, de la morue, des harengs, des étoffes, et
même du sel qui concurrence celui arrivé de la Méditerranée par
la voie de terre ou par le canal du Midi. Il est manifeste que
les appels extérieurs du grand négoce ont suscité et incité un
incontestable développement de l'activité industrielle, bien plus
que la demande locale.
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