Les embarcations
Les bateaux du Tarn et de l'Aveyron peuvent descendre la Garonne,
mais ils ne s'aventurent jamais dans l'estuaire de la Gironde,
laissant à d'autres les dangers du large. Car ni leur taille,
ni leur morphologie, ni leur équipement ne les ont préparés à
ce rôle. Sur le Tarn et jusqu'aux années 1840, leur forme est
comparable à celle de leurs cousins de la Garonne, du Lot et de
la Baïse. Les plus grandes embarcations s'appellent les "bateaux",
ceux de taille moyenne s'appellent les gabarres, les plus petits
souvent pris "en recard", en remorque, le gabarot ou la rinougane.
Rarement pontés, ces bateaux sont "plats de cale" à Montauban,
"plats, relevés devant et derrière terminés en pointe", comme
une navette de tisserand, à Gaillac. Ils ont 10 à 25 m de long,
2 à 5 m de large, plus d'un mètre de tirant d'eau pour les plus
gros ; ils disposent d'un très grand gouvernail de poupe, la barre
que tient le maître ou son patron et qui permet au pilote de diriger,
en pesant sur ce très grand levier. Évidemment tout est en bois,
à part les clous d'assemblage, et bien sûr l'ancre, souvent remplacée
par une pierre percée, reliée par une corde. Un gréement solide,
autant que fruste, permet le halage grâce à un cordage que l'on
attache en haut du mât. On peut aussi utiliser une voile si le
vent est bon, mais il est très irrégulier et plutôt rare en Moyenne
Garonne et sur le Tarn. La taille et la forme des bateaux ne se
modifient guère jusqu'aux grands travaux d'aménagement des cours
d'eau, au XIXe siècle. Un état des rivières navigables, probablement
rédigé vers 1710-1720, précise les longueurs des embarcations
: 60 à 65 pieds de long pour celles du Tarn, 33 pour celles de
l'Aveyron, 8 toises pour celles de l'Agout, soit à peu près 20
à 22 mètres pour le Tarn, 11 pour l'Aveyron, et une quinzaine
pour l'Agout navigable "jusqu'à une demi lieue au-dessus de Lavaur".
Deux siècles plus tard, en 1816, le Tableau général des bateaux
qui fréquentent la rivière du Tarn, notifie 86 bateaux de plus
de 20 tonneaux, d'une grosse vingtaine de mètres de long pour
3-4 m. de large et 155 unités plus petites, de 18 à 5 tonneaux.
Équipés de rames, de gaffes, de cordes, de planches, un matériel
très sommaire, ces bateaux à bord duquel peuvent vivre le maître
et son équipage, ont à affronter les aléas de la navigation dans
des conditions difficiles. Des conditions de navigation pleines
d'embûches. Un équipage se compose de trois hommes à bord, au
minimum. Un ou 2 hommes de plus sont souvent nécessaires, car
il est fréquemment utile d'avoir, en remorque, une barque, une
allège qui permette de délester le bateau d'une partie de sa cargaison
pour passer les maigres, les hauts fonds, ou les "malpas", les
mauvais passages comme celui de Ste-Livrade près de Moissac, et
éviter les bancs de gravier que déplacent les tourbillon du passelis.
Trois à huit marins pourvoient l'embarcation à la descente. A
" la remonte ", comme dit le maire de Montauban en 1811 : "il
faut outre les équipages ci-dessus mentionnés de 8 à 12 hommes
de plus selon la capacité des usines et selon la charge pour aider
à remonter chaque bateau, ce qui se fait au moyen d'une corde
attachée à un mat qu'on place au tiers de l'usine et qu'on tire
par douze ou quinze matelots". A Gaillac, le maire mentionne 18
hommes pour les plus grands bateaux "chargés à plein". Il est
vrai qu'en amont, la remonte est toujours plus malaisée lorsqu'on
affronte le courant dans des eaux moins profondes et les efforts
des mariniers sont particulièrement pénibles...
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