Gaston Virebent un artiste à découvrir
Une empreinte locale Le Château de Villebrumier doit beaucoup à Gaston Virebent. En effet, c’est cet artiste qui a décoré en 1890 le Grand Salon avec notamment sa cheminée monumentale néo-baroque et le grand tableau en carreaux de faïence qui orne le plafond. Il a aussi réalisé les frises en faïence de la façade principale. C’est grâce notamment à ces réalisations que le Château de Villebrumier a pu être inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 2002. Les décorations de Gaston Virebent au château de Villebrumier, sont en effet un témoignage d’une époque de transition entre la fin du règne des dorures et ornementations classiques du Second Empire, et l’apparition de l’Art Nouveau, en apportant une liberté, une fantaisie et une inventivité qui caractérisent probablement la ‘Belle Epoque’. Il a fallu attendre presque un siècle pour que les talents de Gaston Virebent soient redécouverts et que les spécialistes de l’histoire de l’art reconnaissent sa contribution significative à l’évolution des techniques et arts décoratifs dans notre région. On a l’habitude de vénérer les grands peintres dont les toiles s’exposent dans les musées de renom ou s’arrachent à prix d’or dans les ventes aux enchères. Des hommes comme Gaston Virebent, qui ont déployé autant de compétences et de créativité techniques et artistiques (architecture, décoration, céramique, stucs, modelage, moulages…plus la responsabilité de chef d’entreprise), méritent à mon sens autant notre admiration. Il est vrai que leurs oeuvres restent attachées à un monument ; elles ont été réalisées sur commande, et font peu l’objet d’un commerce spéculatif.
Le parcours de Gaston Virebent. (1837-1926) Il est issu d’une famille toulousaine déjà très connue. Son père Auguste Virebent (1792-1857) a créé et exploité avec ses frères, une fabrique d’éléments décoratifs en terre cuite située à Launaguet. Cette entreprise industrielle relativement importante (plus de 50 ouvriers) a produit, à partir des années 1830, la plupart des terres cuites ornementales que l’on retrouve sur les façades des monuments et maisons bourgeoises du 19ème siècle dans la région (corniches, frises, antéfixes, balustrades, statues, bas-reliefs, colonnes et pilastres, chapiteaux, vases…). Un ancien catalogue des fabrications de la manufacture daté de 1890 est détenu par le musée Paul Dupuy à Toulouse (consultable sur le site w w w. s o c i e t e s - s a v a n t e s - toulouse.asso.fr/samf/cadrvari.htm); il montre en 266 pages la profusion de motifs décoratifs raffinés, d’éléments de cheminée, de linteaux, de rosaces, etc, ainsi que d’innombrables sculptures ou ensembles statuaires destinés à des monuments religieux. Nombreux sont les éléments décoratifs empruntés à tous les styles (médiéval, renaissance, baroque…), mais nombreuses aussi sont les créations faites par les sculpteurs et artistes de la manufacture de Launaguet. Ces productions ont fait la spécificité et la richesse architecturale du Toulouse du 19ème siècle. Auguste Virebent était avant tout un architecte et a lui-même conduit la réalisation ou la restauration de nombreux bâtiments et monuments (la Maison Modèle ou Hôtel Vernazobre (démolie vers 1970), le château (mairie) de Launaguet, sans oublier plusieurs reconstructions et décorations d’églises. Auguste Virebent était lui-même fils de Jacques-Pascal Virebent (1746-1831), architecte de la ville de Toulouse pendant près de 50 ans. Ace titre, il est à l’origine des grandes restructurations urbaines de Toulouse, avec le tracé des boulevards en vue de la disparition des remparts, et la maîtrise d’oeuvre de la création de la place du Capitole puis de celle de la Place Wilson au début du 19ème siècle. Gaston Virebent a donc bénéficié d’un héritage et d’un environnement artistique et architectural particulièrement riche. Il a fait des études aux Beaux Arts à Toulouse, ensuite il a été élève de grands maîtres à Paris (l’architecte-ornementaliste Liénard et le maître émailleur Dever) et a côtoyé de grands artistes reconnus. Ses voyages d’études en France et en Italie lui ont permis d’acquérir une très grande connaissance des arts et de la décoration, et d’accumuler quantités de dessins et de moulages qui vont lui servir. Il prend très jeune la succession de son père et de ses oncles à la direction de la manufacture de Launaguet, où il poursuit jusqu’à la fin de sa vie les productions de décors en terre cuite en privilégiant la qualité technique et artistique. Il introduit la réalisation de pièces en grés cérame et l’émaillage polychromes, faisant ainsi renaître cet art statuaire de la faïence émaillée un peu oublié depuis la Renaissance italienne avec les trois générations des Della Robia.
Une oeuvre immense La Société Archéologique du Midi de la France a publié en 1927, un hommage à Gaston Virebent, un an après sa mort, parlant de lui comme « …d’un homme de grande allure, de sa parfaite éducation, de sa modestie, et d’une élégance de langage que sa timidité qui était grande, n’arrivait pas à paralyser… ». Ce même document liste les oeuvres majeures de Gaston Virebent : « Nombreux sont les murs qu’il a fait vivre, les monuments qu’il a animés. Citons entre autres la cathédrale d’Oran, les églises de la Réal de Perpignan, celles de St Jory, d’Oust, de Villeneuve la Rivière, de Launaguet, de St Vincent de Paul, de Notre Dame d’Afrique ; les chapelles de Verdelais, de Pène, de Ste Clotilde à Paris, des Frères à Marseille ; citons les châteaux de Pompignan de Gabriel Hébrard, de Marigny à Villebrumier, de Pibrac, de Villery de Fagas à Lagarde, de Suffren, de Poyferré, de Gardilanne, etc ; les théâtres de Pau et d’Agen ; citons enfin parmi ses principales oeuvres, ce tympan d’après Fra Angelico dont il a fait hommage, et quel hommage ! à l’église de la Dalbade, et le retable de la chapelle Notre Dame la Noire de la basilique de la Daurade, dont la lumière diffuse et plutôt rare de la nef n’arrive pas à altérer l’élégante coloration. » J’ajouterais à cette énumération le château du Castéra à Hinx-sur-Adour (près de Dax), dont Gaston Virebent a été l’architecte et le décorateur. Notons que la fédération ‘Patrimoine et Paysages en Piémont Pyrénéen’ s’est vu confier par le Conseil Régional Midi- Pyrénées une mission d’inventaire de l’oeuvre (architecture, sculpture, décoration) de la manufacture des Frères Virebent installée à Launaguet à partir de 1829. Commencé en 2007, ce travail prendra plusieurs années et permettra de mieux appréhender et de valoriser l’immense production artistique et décorative des Virebent. Peut-être un jour un musée leur sera-t-il consacré…
BERNARD
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