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    La route départementale n°21
une édification… quasi-ordinaire

   De nos jours, ce banal axe de communication qu’est la route départementale n°21 entre Villebrumier (commune limitrophe avec la Haute-Garonne) et Montauban (chef lieu du département), sous son apparence dérisoire, est chargé d’histoire. Non pas la grande Histoire, mais l’histoire de la vie locale du passé qui mérite de persister en quête de notre mémoire collective

Bon nombre d’entre nous peuvent témoigner d’avoir vu, dans leur jeunesse, cette route bordée de platanes qui offraient une ombre bienvenue par les chaleurs d’été. Ces arbres ont été emportés par la modernité des années soixante, parce qu’ils avaient le tort de stopper un peu trop sèchement les automobiles qui, lancées à toute allure, (certaines, comme les 403, pouvaient atteindre, voire dépasser, les 100 kilomètres par heure), n’avaient pas pour autant la tenue de route nécessaire pour leur éviter une funeste excursion hors de la chaussée goudronnée.
Ces arbres, ces platanes, qui ont été abattus, débités, supprimés jusqu’à excaver leurs racines au moyen d’une très grosse tarière, avaient eu des prédécesseurs dont il ne reste que de rares survivants dans la campagne environnante.
Un petit saut dans le temps, un peu plus d’un siècle et demi plus tôt, nous ramène aux alentours des années 1840.
Un projet de modernisation de la route, dite de Montauban à Villemur ou «Route Départementale n°21» est élaboré. Ce dernier, par l’importance des travaux de rénovation, organisé en tranches successives dont la première s’étend de Montauban à Pech-Boyer, occasionne bon nombre de commentaires, discussions, réunions, pétitions et autres recours auprès des tribunaux. L’affaire est grave car les services des «Ponts et chaussées» taillent, pour ainsi dire, dans le vif : la dite rénovation de la route passe par des redressements de virages, des réfections de ponts, des créations d’autres ouvrages tels de nouveaux fossés et des déviations de ruisseaux. Tout cela entraîne des expropriations.
Il va sans dire que, comme pour tout projet d’envergure, les oppositions se font nombreuses et véhémentes. A ce remue-ménage’ l’administration réplique par l’impérieuse force de l’utilité publique. Quelques ratés ont cependant du se produire. En effet, Jean Pradal, un des premiers expropriés du côté de Montauban, s’est insurgé contre la désinvolture de certains notaires. L’affaire a dû faire suffisamment de bruit, si l’on en juge par le contenu de la lettre adressée le 9 décembre 1839, au préfet par le Ministère des Finances - Direction de la comptabilité générale - Bureau de la comptabilité des payeurs, dont on peut lire cet extrait : «Je vous prie Monsieur le Préfet de vouloir bien donner des ordres pour que les actes de vente soient à l’avenir rédigés en termes clairs et explicatifs de manière à ne laisser au conservateur qui en fait la transcription, aucun doute sur l’identité des vendeurs et la délimitation des terrains dont il est fait cession à l’Etat».
Ce qui se passe aux environs de Montauban s’approche de notre contrée, de manière presque insidieuse. Des «insertions légales» (au prix de vingt centimes la ligne) dans le journal spécialisé de l’époque qu’est le «Journal d’Affiches Administratives et Judiciaires, d’Annonces et Avis divers, du département de Tarn et Garonne». Ce journal édité par Lapie-Fontanel  35, Grande-Rue à Montauban, paraît chaque mardi et coûte 10 francs à l’année.
Le maire de Villebrumier, Ulysse Guiraud, à la date du 15 mars 1840, (ainsi que l’adjoint au maire de Corbarieu, Portal, le 16 mars) «prévient le public que les plans parcellaires des terrains, qu’il est essentiel d’acquérir sur la commune pour l’établissement de la route départementale n°21, de Montauban à Villemur, sont déposés à la mairie…. Les observations et réclamations des parties intéressées  seront reçues et constatées par procès verbal sur un registre ouvert à cet effet» dans le dit journal paru le 24 mars 1840.
Le registre de la commune de Villebrumier, est en effet ouvert dès le 15 mars 1840.
Sinas, maire de Reyniès, en fait de même le 29 mars 1840, dans le journal qui paraît le 7 avril 1840.
L’émoi suscité chez les habitants de Montauban et de Pech-Boyer, gagne Corbarieu, Reyniès et Villebrumier. Une certaine agitation, une effervescence même, anime le canton. Et les menus incidents ne tardent pas à naître.
Le premier à porter réclamation, à Villebrumier, est Jean Jacques Théodore Gerla, Juge de Paix à Villebrumier, qui signale qu’ «il s’est glissé au préjudice du réclamant, une erreur, dont il demande la réparation : le champ cadastré sous le n° 1068, et qui y figure au plan sous le même n° 1068, y est désigné comme appartenant à Pierre Gerla ou à ses héritiers. Eh bien, ce même champ n°1068 n’a jamais appartenu à Pierre Gerla ni à ses héritiers, il appartient au contraire en pleine propriété à Gerla, juge de paix réclamant…».
Suivent d’autres réclamations sur 6 pages, la dernière étant de Madame B Guiraud née Dubosquet, du 27 mars 1840, avant la clôture du registre le 4 avril 1840. (72)

Une longue missive, rédigée le 6 mai 1840, à Reyniès, est adressée aux membres de la commission d’enquête réunis à la préfecture de Montauban, afin d’obtenir la continuation des travaux tels qu’ils ont été approuvés par les Ponts-et-chaussées, et subventionnés par la commune de Reyniès à hauteur de 5000 francs. Une cinquantaine de signataires y dénonce le réemploi, par l’administration, des anciens chemins existants (rallongeant le tracé de 445 mètres) afin de faire des économies… au lieu de terminer la réalisation de la ligne droite de 1600 mètres (dont 960 sont déjà confectionnés) entre le village de Reyniès et Gardesi. D’autres arguments et autres réclamations portent aussi sur les emplacements et les dimensions des ponts enjambant les ruisseaux. Les cultivateurs de l’époque, tout comme les agriculteurs actuels, désirent que l’écoulement des eaux drainées par les ruisseaux ne soit pas entravé dans leur course vers le Tarn mais aussi demandent la mise en place de clapets anti-retour empêchant les eaux du Tarn, en crue, de remonter les lits des ruisseaux pour inonder la plaine.

A Villebrumier, des divergences de vues pointent au sein du groupe des propriétaires expropriés. Tandis que certains, le 13 mai 1840, capitulent, comme François Rouquette ou Jean Lages de Villebrumier (voir ci-joint), ce même jour, le maire de la commune rappelle à l’ordre son adjoint  concernant la tenue de la réunion publique des opposants à un changement tardif de tracé de la route départementale n°21… dans la mairie : «…les papiers en archive de la mairie doivent être l’objet de notre surveillance, il eut été plus convenable de réunir l’assemblée sur un lieu tout autre, l’école par exemple…».
Jean Ducros, de Reyniès, le 15 mai 1840, s’oppose à cette «substitution de tracé» sur la commune de Villebrumier au motif qu’il a déjà subi de gros dégâts dans les huit parcelles touchées par les travaux sur la départementale… et surtout «qu’on lui a déjà coupé vingt gros arbres et qu’il tient tout particulièrement à conserver les cinq beaux noyers qui lui restent»

Le 11 août 1840, est pris l’arrêté qui fixe les indemnités revenant aux expropriés de Corbarieu, Reyniès et Villebrumier. Une longue liste, de 5 pages, fait état des noms et prénoms des personnes indemnisées, des types et surfaces de terrains (voire d’une maison pour 1500 francs) suivi du montant du dédommagement.
Le 10 novembre1840, Monsieur Xavier de Reyniès fait une demande d’autorisation de planter des mûriers le long de la route départementale 21, auprès du préfet. Sa demande n’est pas recevable au motif qu’elle est «dressée sur papier libre». C’est par courrier officiel, du 16 novembre 1840, que monsieur le maire de Reyniès est prié de «porter Monsieur de Reyniès à reproduire sa pétition sur papier timbré : cette formalité est de rigueur».
Cela donne des idées à d’autres riverains de la route départementale n°21. En effet, le 27 février 1841, Cougoureux Jean Baptiste, Redoulausse Antoine, Vigouroux Bernard, cultivateurs et Jean Brassac, cordonnier, ayant des possessions à Reyniès le long de la route départementale 21, demandent, eux aussi, l’autorisation de planter des mûriers.
Le 1er mars 1841, c’est au tour des «sieurs Cogoreux Pierre, Inaud Raymond, Lafon Jean-Pierre et Saulène Jean, tous propriétaires cultivateurs, domiciliés au village chef lieu de la commune de Reyniès» de faire une demande similaire.
Les demandes s’intensifient et les autorisations de planter, à «1 mètre 50 le l’arête extérieure du fossé» soit à « 6 mètres de l’axe de la chaussée»  s’égrènent le long de la route départementale n°21. Les arbres doivent être espacés de 10 mètres. Bongrat de Pech-boyer obtient lui aussi cette autorisation de l’Ingénieur du Corps Royal des Ponts-et-Chaussées Martin, supervisé par l’ingénieur en chef Abrial.
Ces autorisations sont facilement dispensées parce que ces mûriers, utiles à la sériciculture, ont vocation, par émondage, à nourrir les vers à soie. Les Ponts-et-chaussées y trouvent avantage : l’entretien des arbres n’est plus à leur charge mais à celle des propriétaires sériciculteurs, ou des récoltants pour le compte de ces sériciculteurs.
Les noyers et autres gros arbres ont été remplacés par des mûriers. L’industrie séricicole ayant périclité, ces mûriers n’ayant plus d’utilité ont laissé la place aux platanes. A leur tour, jugés dangereux, ils ont été détruits…
Ne restent que des poteaux en tous genres ; mais si vous cherchez de l’ombre en bordure de route, cherchez un… panneau publicitaire !!! Vous devriez trouver rapidement !
Enquête de Jean Louis
(source : Archives départementales 39 S 1, 2, )
 
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