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Poésie
Le lièvre et le caméléon
Dans un sous bois touffu devisaient deux amis :
Un lièvre coureur de landes, oreillard s’il en est,
Et un caméléon, l’air toujours endormi.
Moi , disait le premier, depuis que je suis né,
Nul n’a pu en forêt égaler ma vitesse ;
Très prompt à m’élancer, j’évite les obstacles.
Et chiens comme renards qui me courent aux fesses
Doivent abandonner car vite leurs muscles claquent.
Je peux donc gambader , folâtrer et brouter
Et mon ouïe aguerrie au moindre bruit suspect
M’avertit du péril d’avoir à me hâter.
En trois bonds je suis loin du danger échappé.
Sincèrement, je te plains, oh toi dont la lenteur
Fait une proie facile, un gibier bien tentant,
Toujours à la merci du moindre prédateur.
Notre caméléon rétorque en ricanant :
Il se peut tout d’abord qu’on préfère ton râble
A ma peau cuirassée ; et puis je suis hideux,
J’ai aussi dans mon sac un atout remarquable :
Je deviens invisible, crois moi, en moins de deux.
Te voilà branche morte, humus ou bien feuillage !
Mes yeux ont peine à croire à ton déguisement,
Mais j’entends les abois d’une meute à l’ouvrage :
Ce sont des lévriers, trêve d’amusements .
Notre lièvre cerné subit son triste sort.
Près du caméléon qui passe inaperçu,
Il est couleur de terre ne bouge pas plus qu’un mort,
Les sloughis rassasiés n’en auront rien perçu.
Moralité :
Il n’y a qu’en amour que la fuite vous sauve...
Pour abriter votre peau de la vindicte des grands,
Retournez votre veste, applaudissez les fauves,
Le moindre écart se paie dans le clan des tyrans.
Frédéric Pellissier
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