Oh ! Quelle nuit !
Le mois de février
1956 reste mémorable. Aux premiers jours, il était
tombé une trentaine de centimètres de neige. Il faisait
un froid polaire : la température était descendue
jusqu'à moins 15, moins 20 et même moins 25 degrés
à certains moments!. Fait rarissime, le Tarn était
gelé. Malgré ces conditions climatiques inhabituelles, le
corps des Sapeurs Pompiers qui vient de se créer doit
intervenir... Récit.
C'était le 19 février 1956. Il est 22 heures. Dehors, il
fait moins 13 degrés ! Soudain, la sirène retentit de
trois longs coups puissants et lugubres qui trouent le silence de cette
nuit d'hiver glaciale. Quelques-uns d'entre-nous se trouvaient au lit,
d'autres au coin du feu. Nous étions surpris par ce vacarme car
la constitution de notre corps de Sapeurs Pompiers était
récente et nous étions peu habitués à une
telle alerte. Nous voilà quelques minutes plus tard au Centre de
Secours. C'est là que nous apprenons le lieu du sinistre : le
Moulin de Saliens !
Quel froid ! Comme il n'y a pas de chauffage
à la caserne, les vestes et les bottes sont gelées !
Enfin, nous voilà prêts pour notre première sortie
importante. Sur le parcours, nous pressentons que l'intervention ne
serait pas une rigolade : nous apercevons une grande lueur et de la
fumée plein le ciel !
Quel spectacle à notre arrivée ! Pour
notre premier grand sinistre, nous étions servis ! Sous
l'œil averti de notre chef, Michel Lacaze, nous nous sommes vite
mis en place. Mais le froid qui ne cessait d'augmenter nous rendait la
tâche très difficile : gestes maladroits et tuyaux qui
commençaient à geler, cela devenait presque un cauchemar.
Quel froid, vraiment !
L'arrivée en renfort de nos amis de Montauban n'eut pas l'effet
immédiat escompté : pendant le trajet, pompes et bas de
citernes s'étaient gelés et ne purent servir que
longtemps après. Eau chaude et salle des machines
réchauffaient le matériel le plus endommagé. Il
fallut aussi réchauffer le personnel et un va-et-vient se fit
entre le sinistre et la maison du Directeur, monsieur Bréman.
Café et vin chaud nous réconfortèrent toute la
nuit.
Enfin, le petit matin arriva et l'on put évaluer les
dégâts et… la fatigue des hommes. Le point fut
rapidement fait : le haut du bâtiment était
complètement détruit, mais nous avions sauvé la
partie basse des machines. Il ne restait plus qu'à mettre de
l'ordre dans l'enchevêtrement des tuyaux et du matériel.
Oh ! Quelle nuit mémorable !
D'après le témoignage de F.Tapiolas,
(paru dans Entre Nous 2, juin 1989)
PS: En date du 6 mars 1956, Mme Bréman,
l'épouse du PDG du Moulin de Saliens, a adressé au
lieutenant Lacaze, chef du Corps des Sapeurs Pompiers, une lettre dans
laquelle on peut lire: "Aux compliments officiels, nous joignons les
nôtres, ainsi que nos remerciements à tous les hommes qui
ont rivalisé d'ardeur et de dévouement. (...) Pour vous
manifester notre gratitude, nous vous adressons un chèque
à l'ordre de votre Amicale pour vous permettre de
compléter votre équipement".
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