Le sabotier
Lors d’une
exposition organisée par Entre Nous, présentant des
métiers d’autrefois en octobre 2000, l’on pouvait
voir entre autres, la fabrication des sabots par un artisan.
Enfant dans les années 1937-38, pour me rendre à
l’école communale, je chaussais parfois des sabots,
surtout pendant la période hivernale. Pendant les
récréations, au cours des jeux, il fallait faire
attention de ne pas briser le bois des sabots pour ne pas être
réprimandé par les parents.
Dans les rudes conditions de la vie en milieu rural, le sabot est la
chaussure la mieux adaptée, pour se protéger de
l’eau et du froid. En outre, la semelle épouse la
voûte plantaire, sa forme et sa surface empêchent que
l’on s’enfonce dans la terre et la boue des chemins. Il
faut beaucoup d’habililté manuelle, et un bon coup
d’oeil, pour façonner, sculpter cette chaussure.
Pour toute commande de sabots, le client présente son pied au
sabotier. A lui de garder en mémoire les mesures
visualisées et la photographie du pied. Pour réaliser le
sabot, le sabotier prend un billot de bois sec, coupé en lune
vieille, et le débite en rondins correspondants à une
pointure maxima de 46. La matière première est un bois en
provenance des forêts environnantes (noyer, ormeau, bouleau). Le
sabotier dégrossit à l’aide de la hache et de
l’herminette, son rondin en ayant soin de marquer une encoche, se
sera le talon. La forme générale de la coque avec
l’extrémité relevée et arrondie est
réalisée à l’aide du paroir, longue lame
articulée. Pour obtenir un bon sabot, il faut que le sessus soit
taillé en 13 coups de paroir. Le bout du sabot à son
utilité, pour oter les plaques de boue ou de terre sèche
au retour des champs. Pour dégager l’intérieur du
sabot l’artisan utilise des gouges et des cuillères de
différentes tailles, il arrondit les talons, engendre les
courbes qui épouseront le pied. Il aplanit, épluche et
fait surgir d’une bille de bois une forme douce, toute en
arrondis. Pour finir et polir, un rasoir est utilisé. Le
sabotier sculptait finement à la gouge des motifs
décoratifs : épis de blé, soleil pour les hommes
et des fleurs symbole de la terre et de la fécondité pour
les femmes.
Après l’essai des sabots par le client, le sabotier posait
une bande de cuir qui coiffait le coup de pied et permettait
l’ajustage au plus près de la chaussure A l’origine
les sabots étaient garnis de paille, remplacée ensuite
par des chaussons de tissus à semelle de basane.
La fête des sabotiers est le 12 novembre, pour la saint
René. Les ouvriers sabotiers offraient leur journée de
labeur à leur patron, qui à son tour les invitait
à un repas suivi d’un bal. Le lendemain la journée
était chômée pour les ouvriers.
Le cloc cloc des sabots est aujourd’hui disparu. La botte de
caoutchouc à fait son apparition avant la Deuxième Guerre
Mondiale, plus pratique pour la vie courante. La fabrication de sabots,
peu à peu, a disparu.
L’usage des sabots dans toutes les provinces de France a
marqué la chanson populaire : “C’était Anne
de Bretagne, duchesse des sabots”, “En passant par la
Lorraine avec mes sabots”...
La langue française est farcie d’expression et de
tournures où se lit un total mépris pour les sabots
(“los esclops” en languedoc, daté du 17e
siècle) : “on joue comme un sabot”, “on
travaille comme un sabot”, “dormir comme un sabot”
(dormir profondément), “voir venir quelqu’un avec
ses gros sabots” (sans qui puisse cacher ses intentions),
“sabotage” (acte qui a pour but de détériorer
ou de détruire intentionnellement du matériel),
“sabot” (vieux matériel, outil mal entretenu).
Quant te costèron los esclops
Quand éran nous ?
Cinc sous de batas
Cinc sous de fèrras.
Los me cambièran les esclops.
Combien te coutèrent tes sabots
Quand ils étaient tout neufs ?
Cinq sous de brides,
Cinq sous de fer.
Ils me les changèrent les sabots
Yves
Source : “Connaissance du Pays d’Oc”
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