Association Entre-Nous



Accueil

Journal

Archives
Equipe

E-mail
Livre d'or
Forum

Photos
10 ans

Cassette vidéo
Abonnement

Bric-à-brac
Aide

nb de visiteurs

Chercher sur le site
 

   

Les couples de chez nous

Andrée et Charles : déjà 67 ans de vie commune

            Entre Nous a, par le passé, parlé de ces couples de notre village qui atteignent un âge avancé et sont toujours là, à deux, pour un même destin, après de nombreuses années de vie commune. Ils ont fêté leurs noces d'or, puis celles de diamant. En les rencontrant, ils sont heureux d'évoquer, tout simplement, un passé qui leur est cher, malgré les soucis ou les peines vécus, mais tout cela adouci par de grandes joies au sein de leur famille.

            Cette fois, ce sont Andrée et Charles Cogoreux que Georgette a rencontrés pour Entre Nous. Laissons la parole à Andrée.

 

" Fini le collège ! A dix huit ans, Charles décide d'aider son père à la boulangerie. C'est ainsi la quatrième génération qui prend la suite. Pour l'encourager, le dimanche, ses parents lui prêtent la " Ford ", ce qui lui permet de s'amuser avec ses deux copains.

            Ce dimanche 15 avril 1932, après la messe dominicale, mes deux amies de l'époque, Mado et Yvonne, vont demander à mes parents l'autorisation d'aller au bal, le soir, de 21 heures à 23 heures, accompagnées de nos mères, bien entendu. Nous sommes exactes au rendez-vous, et déjà trois jeunes gens nous attendent à l'entrée avec des sourires complices. On se serre la main, heureux de se retrouver. J'entends : "Andrée !..." Un regard furtif, je souris, lui aussi. Il s'appelle Charles. L'orchestre se met à jouer. Forcément, par politesse, il m'invite. Mon cœur battait très fort. Il me dira beaucoup plus tard : " Tu dansais comme un esclop (un sabot) ". Mais cela a continué pendant cinq ans…On se retrouvait, le dimanche seulement, avec mes amies. Puis elles se sont mariées. Nous, nous étions encore jeunes, dix sept et dix huit ans…Et puis, il fallait faire le service militaire : treize mois à Montpellier, dans le Génie, en 1935/36. Les permissions étaient assez rares et nous nous écrivions tous les jours.

            Le 11 novembre 1936, mon frère et moi sommes invités à dîner chez la famille Cogoreux composée de six personnes : deux grands pères de 82 et 85 ans, mes futurs beaux parents, Charles et sa sœur. Après nos fiançailles, en 36/37, c'était merveilleux, nous étions plus libres et le dimanche soir Charles mangeait à Villemur chez mes parents et nous finissions la soirée au cinéma qui était dans le quartier. Puis vint la date du mariage qui a été imposée pour le mardi 27 avril 1937, le dimanche suivant étant la fête du village pour Saint Théodard et le jeudi d'après, le jour de l'Ascension, avaient lieu les fameuses courses tant réputées sur la piste de terre battue avec des coureurs internationaux.

Puis il y a eu les lendemains…et la boulangerie et la maisonnée. Il a fallu s'adapter au feu de cheminée avec un grand père assis de chaque côté de l'âtre, sur une petite chaise basse ; à surveiller l'oule (le pot de terre) qui mijotait  devant la braise ; à pomper l'eau dans le puits situé dans le fournil…Heureusement pour moi, j'avais continué à travailler comme sténo-dactylo au bureau à Villemur où je me rendais tous les jours à bicyclette, été comme hiver, quatorze kilomètres par jour. A midi, je mangeais chez mes parents où je me ressourçais un peu. Mais une nouvelle vie  commençait.

Le 3 septembre 1939, c'est la guerre et la mobilisation générale. Après un mois passé à Toulouse Montaudran, Charles part le 15 novembre avec un régiment de Tirailleurs marocains comme chauffeur du capitaine Bailly, pour une destination inconnue. Les nouvelles étaient rares, mais j'ai appris qu'il était en Meurthe et Moselle sur la frontière allemande . C'est l'attente. A Noël, il a eu cinq jours de permission, très appréciés. Puis, nouveau départ et encore l'attente par un hiver glacial jusqu'à l'attaque décisive qui a eu lieu le 8 mai 40 par les Pays Bas. Impossible de faire barrage à la horde allemande. Nuit et jour des tirs aériens auxquels répondait la Royal Air Force (RAF). Des réfugiés qui fuyaient. Des morts, des blessés. Repli vers l'Angleterre avec passage obligé par "l'enfer de Dunkerque" où les rescapés tentaient d'embarquer. Celui qui a connu cet épisode est marqué à jamais. Après huit jours logés et bien reçus chez l'habitant, les membres de l'unité se regroupent et embarquent sur le " Antwerp-Harwitch " pour Cherbourg. Enfin, fin juin, Charles devient boulanger de la division et est démobilisé le 20 juillet 40. La vie reprend ses droits et la famille s'est éclaircie.

La population est rationnée : chaque personne n'a droit qu'à 350 ou même 200 g de pain par jour ; l'essence manque et la Peugeot 402 qui servait aux tournées roule au "gazogène", procédé qui utilise la combustion du charbon de bois; le four, lui,  est chauffé au bois… Les manipulations sont nombreuses.

Durant longtemps, se pratiquait l'échange blé-pain : les clients agriculteurs, au moment de la récolte, livraient la quantité de blé nécessaire à une année de consommation au boulanger qui se chargeait, par l'intermédiaire du minotier, de le transformer en farine.

Après le décès du père de Charles en juin 1946, nous prenons en main le fonctionnement de la boulangerie. Huit ans de mariage sans enfant, et en cinq ans, naissance de trois filles qui sont les bienvenues. Beaucoup de soucis mais aussi des joies immenses que nous avons su apprécier. Après de bonnes études, elles se sont mariées , ont fondé chacune une famille et nous ont donné quatre petits enfants et trois arrières petits enfants âgés de dix ans, deux ans et quatre mois.

La fabrication du pain se modernise : pour chauffer le four, on passe du bois au fuel en 1958, puis à l'électricité en 1968. Cette même année, on installe une façonneuse et une diviseuse. Le travail du boulanger change, et la retraite approche. La boulangerie est vendue en 1977 et la maison divisée en deux.

Le 27 avril prochain, nous fêterons 67 ans de vie commune. Certes, ce n'est pas toujours facile avec quelques soucis de santé, la vue, l'ouie… Mais, nous nous aidons mutuellement et nous sommes très soutenus par la famille et les aides matérielles et médicales. Que demander de plus à 91 et 90 ans ? "

Andrée contribue toujours, et depuis le début, à l'aventure de  Entre Nous, non seulement en proposant des recettes culinaires, mais aussi en fournissant à l'occasion des photos ou documents d'époque qui font la richesse de notre modeste publication, sans oublier les objets fournis pour composer les expositions organisées par l'association..

Que Andrée et Charles coulent encore longtemps ensemble des années paisibles.

 
haut de page
page d'accueil   |   Copyright © Entre-Nous
 


journal | archives | équipe | e-mail | livre d'or | forum | photos
10 ans | cassette vidéo | abonnement | bric-à-brac | aide