Entre 1840 et 1865, un renouveau se constate
à une époque de croissance économique.
La batellerie profite de cet essor et assure un transport intensif
de marchandises. En aval de Montauban circulent 1905 bateaux chargés,
de 1840 à 1845, et 1553 en amont. Viennent au premier rang des
marchandises expédiées les produits pondéreux comme le charbon,
le bois, les engrais et les matériaux de construction. Les seuls
produits alimentaires qui continuent à être exportés sont les
grains et les eaux-de-vie. A ce moment-là, la navigation s'améliore
grâce à la construction d'écluses, à l'amélioration des chemins
de halage. Après 1843, l'achèvement du canal de Montech, branche
du canal latéral à la Garonne met depuis Toulouse directement
au contact de Montauban par la voie de l'eau. De manière un peu
menaçante, la batellerie préfère d'ailleurs délaisser le Tarn
entre Montauban et Moissac pour emprunter un canal plus facile
à naviguer que la rivière. Ainsi le Tarn reste-t-il intensément
utilisé de l'aval d'Albi à l'amont de Montauban, puis après Moissac
où l'on peut rejoindre le Tarn depuis le canal. Le reste voit
passer un trafic bien plus réduit. En 1863, 300 bateaux seulement
circulent à Lamothe Gardès, près d'Albi et les bateaux n'atteignent
pas cette ville, car un maigre arrête nombre d'embarcations trois
kilomètres en aval des quais de la Berbie. 1400 bateaux passent
à Jussens, juste après l'embarquement du charbon de Carmaux en
amont, 1550 à St-Géry, 1800 ou presque à Montans en aval de Gaillac,
alors que la basse vallée connaît des chiffres encore plus considérables.
En 1861, 2100 embarcations passent à Villebrumier et franchissent
l'écluse de Corbarieu près de Montauban, avec 84.000 tonnes de
marchandise à bord. Cela fait, en moyenne, 6 ou 7 bateaux par
jour, avec des tonnages très inférieurs à ceux des autres grands
axes navigués du Sud-Ouest, 4 ou 5 fois moins que le Lot au même
moment, bien au-dessous des tonnages transportés sur la Garonne.
Ces chiffres sont eux-mêmes très faibles par rapport à ceux relevés
sur les rivières et les canaux du Nord. Mais la dynamique industrielle
paraît pouvoir s'amorcer, avec la perspective de porter le trafic
à un haut niveau. Or, c'est pile à ce moment-là que s'inverse
le mouvement qui semblait prometteur... L'inéluctable déclin L'avènement
du chemin de fer, sous le Second Empire porte un coup fatal à
la navigation fluviale. Dès 1856, l'achèvement de la ligne Bordeaux-Toulouse
par Montauban réduit considérablement le trafic sur la Garonne.
En 1864, la compagnie du Paris-Orléans ouvre la ligne de chemin
de fer AIbi-Toulouse. En l'espace de 3 ans, l'écluse de Lamothe
Gardès perd 80 % de son trafic, celle de Jussens 90 %, 80 % à
St Gery, 85 % à Montans. Les entreprises font rapidement le choix
de la rentabilité et ce choix impose d'anéantir la batellerie.
Le temps des gabarres est bien fini. En quelques années la navigation
sur le Tarn s'effondre. Des centaines de salariés dont la vie
est attachée à la rivière perdent leur emploi, victimes des impérieuses
lois de la rentabilité. Avec les chemins de fer, les transports
peuvent se faire beaucoup plus vite et à de plus grandes distances.
De nouveaux trafics s'organisent et, surtout, l'économie régionale
s'offre de nouveaux débouchés et peut recevoir de nouvelles marchandises
qui permettent de moderniser les activités... Les hommes de l'eau
qui donnaient vie à la rivière appartiennent, dès le début de
notre siècle, au monde de l'oubli...
Guy ASTOUL
Photos extraites de l'ouvrage
"Villemur du passé" édité par le Comité
des Fêtes de Villemur
Février 1979.
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